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que commençaient nécessairement les études. On sait qu’elle répondait aux classes supérieures de nos lycées et à nos Facultés de sciences et de lettres. L’élève y arrivait à treize ou quatorze ans, avec des connaissances fort légères ; il savait lire, écrire, et possédait les élémens du latin. Il est probable qu’à Montpellier, comme à Paris, on lui enseignait un peu de grammaire et de rhétorique, et beaucoup de dialectique. Mais toute cette étude devait y être assez superficielle. La Faculté des arts de Montpellier a très peu fait parler d’elle pendant le moyen âge ; elle est si bien éclipsée par la médecine et le droit qu’on se demande s’il ne se passait pas alors quelque chose de ce que nous voyons sous nos yeux. Peut-être les artiens (c’est ainsi qu’on les appelait) avaient-ils peu de goût pour Priscien et pour Donat, pour Aristote et Pierre Lombard, et ne cherchaient-ils, comme nos lycéens d’aujourd’hui, qu’à conquérir le plus vite possible les grades qui leur donnaient l’accès des autres Facultés. C’est seulement à la renaissance, et sous l’influence de la réforme, que la Faculté des arts de Montpellier prit une importance qu’elle n’avait jamais connue. Quand les troubles religieux, qui avaient agité la fin du XVIe siècle, furent calmés, la ville obtint d’Henri IV, fort zélé pour tout ce qui concernait l’instruction, des lettres patentes qui affectaient à l’entretien de ses écoles une partie de l’impôt sur le sel. Il est dit, dans ces lettres, qu’il convient d’instruire la jeunesse « ez arts libéraux et sciences humaines, » et que le vrai fondement de la vertu « consiste en la cognoissance des bonnes lettres par le moien desquelles on parvient à plus haute intelligence, pour après faire service au public, chacun selon sa vocation. » Toutes ces expressions sont à noter ; elles montrent combien, avec le XVIe siècle qui finit, nous sommes loin du moyen âge, et la manière nouvelle dont on entendait alors l’éducation. Les bonnes lettres, les sciences humaines ont pris définitivement le dessus. Tandis que, dans les écoles anciennes, le clergé travaillait surtout à se recruter lui-même, ici c’est la société entière qui cherche à former des gens qui puissent la servir. L’enseignement se sécularise comme la science, et il devient affaire d’État. Pour accomplir le vœu d’Henri IV, Montpellier chercha un maître éminent qui pût ranimer, parmi ses écoliers, le culte des lettres. On fit venir de Genève l’illustre Casaubon, qui fut, à son arrivée, reçu comme un prince. Son enseignement débuta d’une manière très brillante. Il avait annoncé qu’il traiterait d’abord des magistratures romaines, et il nous dit que ce sujet difficile avait attiré autour de sa chaire tous les personnages importans de la ville. C’était un de ces cours comme il s’en fait dans nos Facultés, où se pressent non-seulement les étudians, mais des gens du monde