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ville de commerce et d’industrie, hospitalière aux étrangers, placée à mi-chemin de l’Espagne et de l’Italie, près de la mer, à la rencontre de toutes les routes de la civilisation, profita naturellement de ce grand réveil[1]. Les écoles s’y développèrent de bonne heure, et à côté de la grammaire, qu’on avait toujours regardée comme le fondement de l’éducation, on commença d’y enseigner le droit et la médecine.

Nous connaissons exactement de quelle manière et à quelle époque naquit l’école de droit. Un célèbre docteur de Bologne, qu’on appelait Placentin, du nom de son pays d’origine, vint se fixer à Montpellier, on ne sait pourquoi, vers 1160. Il y enseigna à deux reprises et y mourut en 1192. L’école qu’il avait fondée se réclama toujours de son nom, et, jusqu’à la révolution française, sur l’édifice où elle donnait son enseignement, on lut ces mots : Aula Placentinea. Les origines de l’école de médecine sont plus obscures ; en général, on est tenté de croire que, si le droit vint à Montpellier de l’Italie, la médecine lui arriva de l’Espagne. Les Arabes y avaient établi des écoles florissantes, où enseignaient Avicenne et Averroës ; et, comme les rapports étaient fréquens entre l’Espagne et le midi de la France, rien n’empêche que quelque élève de Cordoue, peut-être quelque juif lettré (il y en avait beaucoup à Montpellier et qui luisaient le trafic entre les deux pays) n’y ait apporté les doctrines de ses maîtres. Ce qui est sûr, c’est que la médecine y fleurit de très bonne heure. En 1137, un poète du temps nous apprend, dans de méchans vers rimés à l’hémistiche, qu’il y a d’excellens médecins à Montpellier, qu’ils apprennent à ceux qui se portent bien à conserver leur santé et qu’ils fournissent à ceux qui sont malades le moyen de se guérir :


Hic et doctrina præceptaque de medicina
A medicis dantur, qui rerum vim meditantur,
Sanis cautelnm, læsis, adhibendo medelam.


Il y avait donc plus d’un siècle que les écoles de Montpellier étaient florissantes quand le pape Nicolas IV, par sa bulle du 25 octobre 1289, les unit ensemble pour en former une Université. En le faisant, il voulait sans doute leur être utile ; il songeait au

  1. Benjamin de Tudela, un juif voyageur, qui courait le monde pour s’enquérir de la situation des gens de sa religion, visita Montpellier en 1173. « C’est une ville, dit-il, très favorable au commerce, où viennent trafiquer en foule chrétiens et sarrasins, où affluent des Arabes du Garb, des marchands de la Lombardie. du royaume de la grande Rome, de toutes les parties de l’Egypte, de la terre d’Israël, de la Grèce, de la Gaule, de l’Espagne, de l’Angleterre, de Gênes, de Pise, et où l’on parle toutes les langues. »