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dans son costume blanc de dominicain. Leur présence a réveillé chez moi d’anciens souvenirs, et je n’ai pu m’empêcher de faire quelques comparaisons. J’ai assisté, en 1877, au quatrième centenaire de l’Université d’Upsal. La cérémonie était célébrée dans la belle cathédrale qui fut bâtie, au XIVe siècle, par un maître maçon de Paris, sur le modèle de Notre-Dame. L’archevêque prit la parole au nom de l’Université, dont il était le promoteur. Il rappela la part importante qu’elle avait prise à l’émancipation du pays et au triomphe de la réforme, que les Suédois regardent comme ayant définitivement établi leur existence nationale. Les prières se mêlaient aux discours académiques. Avant de se séparer, on chanta l’admirable choral de Luther : « Dieu est notre solide forteresse, » que tout le monde entendit debout et la tête inclinée. La fête était donc religieuse autant que patriotique et universitaire. A Bologne, elle fut toute laïque. Sur cette vieille terre papale, couverte d’églises et de couvens, pleine de prêtres et de moines, aucun ecclésiastique ne prit place dans le cortège. L’archevêque avait refusé la basilique de Saint-Pétrone, où l’on voulait faire la cérémonie, et il ne sortit pas de chez lui. Pendant que nous allions du palais de l’Université à l’archiginnasio, nous passions à chaque pas devant des églises rigoureusement fermées, et le pape de bronze, qui surmonte le Ironton de l’hôtel de ville, semblait nous regarder d’un air de colère et de menace. Les choses se sont passées autrement à Montpellier, et l’on s’est tenu dans une situation intermédiaire. L’évêque, qui est un homme d’esprit et de sens, non-seulement n’a pas hésité à paraître dans la fête officielle, mais il a fait sa fête à lui, la veille de l’autre, et il a tenu à lui donner tout l’éclat dont les cérémonies religieuses sont susceptibles. Il a réuni, dans sa cathédrale, les étudians, les professeurs, les autorités, et il a fait, devant eux, un éloge sans réserve de la vieille Université instituée par les papes, et qui, jusqu’en 1790, est restée sous le contrôle des évêques. Puis, après avoir glorifié le passé, il a parlé du présent et de l’avenir. Le sujet était brûlant ; il l’a traité avec une décision et une largeur de vues remarquables. De ses paroles il semblerait résulter que l’Église souhaite que les anciennes luttes finissent, qu’elle est disposée à rendre justice à l’esprit qui anime chez nous l’enseignement supérieur, qu’elle ne lui demande que ce qu’il ne peut pas refuser, le respect des convictions sincères ; qu’elle a médité l’exemple que lui offre l’épiscopat américain, qu’elle est résolue à ne plus se cramponner au passé et à regarder un peu plus vers l’avenir, qu’au lieu de se tenir dans une attitude boudeuse, qui ne mène à rien, elle trouve plus sage d’accepter le monde comme il est et d’en tirer le meilleur parti qu’elle pourra. C’est la paix qu’elle offre, et elle peut le faire avec honneur. Il me