Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 100.djvu/144

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pouvait donc craindre que la foule eût grand’peine à s’associer à des solennités dont elle comprenait mal la signification.

Heureusement ces craintes étaient vaines. Les étrangers sont arrivés en très grand nombre. Quarante-cinq universités ont envoyé leurs professeurs et leurs étudians. On est venu non-seulement des pays voisins, de la Suisse, de l’Italie, du Portugal, mais de l’Angleterre, de l’Ecosse, de l’Irlande, de la Belgique, de la Hollande, du Danemark, de la Suédé, de la Norvège, de la Russie, de la Grèce. Il y avait des délégués des écoles du Caire, et, ce qui est plus surprenant, des maîtres et des élèves des universités d’Amérique. Enfin, l’Allemagne avait tenu non-seulement à prendre part à ces fêtes françaises, mais à y bien paraître. Elle avait délégué quelques-uns de ses professeurs les plus savans. L’université de Berlin, pour ne parler que d’elle, s’était fait représenter par M. Helmholtz, et l’illustre physicien a pu voir, à la manière dont il était accueilli, que sa renommée n’était pas moindre à l’étranger que chez lui.

Quant aux gens du pays, s’ils avaient un peu oublié leurs vieilles écoles, cette affluence de visiteurs aurait suffi pour leur rafraîchir la mémoire. On l’a bien vu à l’attitude de la foule, lorsque le long cortège des professeurs et des étudians a parcouru les rues de la ville. A chaque délégation différente, c’étaient des explosions de cris et des applaudissemens qui ne finissaient pas. On nous a même dit que la célébration du centenaire avait produit un résultat auquel on ne pouvait guère s’attendre. Personne n’ignore à quel point les rivalités politiques et religieuses sont ardentes parmi les populations du midi ; il n’y a pas de petit village qui n’en soit coupé en deux. A Montpellier, toutes ces divisions ont paru s’effacer un moment. La ville a semblé s’unir dans une joie et une fierté communes ; le souvenir d’un glorieux passé a fait taire, au moins pour quelques jours, les préoccupations mesquines du présent.

La fête a donc été très brillante. On avait eu l’heureuse idée de la placer dans un cadre qui en relevait singulièrement l’éclat. Sous ce climat heureux, on peut compter sur le beau temps. Au lieu de s’enfermer dans quelque édifice fait pour d’autres usages, et qui aurait pu manquer de commodité ou de convenance, on s’était hardiment décidé à se mettre en plein air. Les préparatifs n’avaient pas coûté beaucoup de peine. Sur la promenade du Peyrou, l’une des plus belles assurément qui se trouvent dans nos villes de province, un immense vélum était tendu et des sièges rangés ; la nature s’était chargée du reste. La vue dont on jouit du Peyrou est merveilleuse. Si ce vaste espace, balayé par tous les vents, ne permettait guère aux orateurs de se faire entendre, le plaisir des yeux remplaçait celui des oreilles. Le président de la