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qu’il faut à tout le moins avoir effleurées, si l’on veut comprendre la nature et le mérite réels de l’art du Japon. Ni M. Gonse ni M. Anderson ne leur ont attaché l’importance que nous aurions désirée. Seul M. Brinckmann a consacré deux ou trois pages à l’étude du caractère japonais, se bornant d’ailleurs à y résumer les opinions de quelques voyageurs.

Sur ce point, ni sur aucun autre, nous ne saurions avoir la prétention de compléter les savans travaux des historiens de l’art japonais. Mais il nous sera permis de confronter les renseignemens historiques qu’ils nous fournissent touchant l’art japonais lui-même avec ceux que nous avons pu recueillir au dehors touchant le caractère et les mœurs du Japon. Nous laisserons de côté, d’ailleurs, toutes les formes de l’art autres que la peinture : au Japon, bien plus que dans nos pays, la peinture a toujours été l’art essentiel, central, celui dont tous les autres ont fidèlement suivi les évolutions. Les grands laqueurs, les grands céramistes, les grands sculpteurs japonais ont été les élèves d’écoles de peinture, et c’est dans des ateliers de peintres que s’est développé ce qu’il y a dans leur manière d’artistique et d’original[1].


I

Il y a dans la population japonaise deux types distincts, l’un de formes courtes et trapues, avec un visage rond et des yeux à fleur de tête, l’autre de (ormes plus allongées, avec un visage ovale et des yeux enfoncés ; et comme le premier de ces types se rencontre plus souvent chez les paysans, le second chez les nobles, on peut en conclure que la race japonaise actuelle est le mélange de deux races, dont l’une, probablement venue du dehors, a dominé l’autre et imposé au pays son autorité.

C’est à cela que se bornent les suppositions vraisemblables sur l’origine ethnographique des Japonais. La race soumise avait-elle, des milliers d’années auparavant, dépossédé elle-même de son pouvoir la race primitive et indigène des Aïnos, aujourd’hui presque éteinte ; ou bien, cette race inférieure n’est-elle qu’une dérivation des Aïnos, avec lesquels elle offre, à divers points de vue, de frappantes analogies ? A son tour, la race conquérante, celle dont le type se retrouve chez les nobles japonais et a servi de

  1. Deux ou trois collections parisiennes, la section japonaise du British Muséum, la collection Gierke de Berlin, suffisent à permettre l’étude de la peinture japonaise ; surtout si l’on y ajoute l’abondante collection de photographies que possède le musée Guimet des œuvres les plus célèbres conservées au Japon.