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HALLALI !



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PREMIÈRE PARTIE.



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I.

Des bois, des futaies dépouillées, dont les lointaines hachures, qu’estompe une brume matinière d’arrière-automne, cerclent l’horizon d’une zone sombre, un peu rousse. De toutes parts, des bois, de grands bois sinistres et profonds, rébarbatifs encore à travers l’indécise gaîté du brouillard flottant qui, par degrés, s’éclaircit et s’irise sous les feux rosés d’un timide soleil, péniblement vainqueur. Çà et là, quelques arbres fiers, ayant retenu, comme accrochées aux aspérités de leurs branches, des bribes d’un feuillage jauni, rouillé, déchiqueté, qui les vêtent à demi de lambeaux de brocart d’or, où ils semblent essayer de se draper toujours…

Car c’est au milieu d’un assez haut plateau boisé de l’Argonne, juste au centre d’un cirque imposant, fermé par des forêts dont on ne devinerait guère, à n’en voir que la lisière majestueuse et compacte, les pentes fuyantes, accidentées, capricieusement infléchies vers les plaines, que se dresse, vaniteux et chétif, le joli château moderne de Rubécourt, tout contre le village de ce nom. Et la Saint-Hubert est venue.