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patriotes ont tout sacrifié durant la guerre terrible pour l’honneur et l’amélioration du pays ; et jamais nous n’avons assisté à un déchaînement de passions plus basses, et de vices plus sordides et odieux. Vous avez taxé à outrance une classe de citoyens pour enrichir l’autre à ses dépens. La dette publique est doublée de valeur, l’argent est démonétisé, et pourtant vous avez établi des tarifs de prétendue protection qui appellent toutes les malédictions. Grâce à eux, les fermiers des États-Unis en sont réduits, à cette heure, à ne vendre le boisseau de maïs que 10 cents, celui de froment 50 cents, et la livre de porc de 2 à 3 cents : en revanche, leurs dépenses se sont accrues de 35 pour 100. Dans l’état d’Ohio, les fermes sont grevées de 300 millions de dollars d’hypothèques : dans l’Illinois, le chiffre des emprunts dépasse 402 millions de dollars, et le tiers des terres est engagé. Partout ailleurs la moyenne des fermes hypothéquées s’élève de 30 à 50 pour 100. Voilà votre œuvre néfaste ! »

Tel fut le prologue du discours adressé au parti républicain. Les galeries, où s’entassent blancs et noirs, couvrent la harangue de salves d’applaudissemens. M. Voorhees poursuit, plus âpre encore qu’au début, et les applaudissemens redoublent, quand le vieux sénateur évoque « le festin de Balthazar, » qui vient d’être offert, à Washington, aux délégués des trois Amériques par le fastueux millionnaire et manufacturier de Pensylvanie, l’ami particulier de M. Blaine, M. Carnegie, disant à ses convives, avec plus de vanité que de bon goût : a Le monde presque entier a contribué à la composition du menu qui va vous être servi. » Les galeries exultent quand il ajoute, comme péroraison : « Les fermiers veulent cesser de souffrir, et le Mané Thécel Pharès est écrit sur la muraille du festin. » Après lui, ses collègues, MM. Wilson de l’Iowa et Stewart de Nevada reviennent à la charge. Modification immédiate des tarifs extérieurs et intérieurs, augmentation de la circulation monétaire, voilà ce qu’ils réclament d’urgence. Mais le dernier mot n’est pas dit. M. Stanford, sénateur de la Californie, dépose un projet de bill ayant pour but de faire prêter, par le trésor fédéral, aux fermiers menacés de ruine ou d’éviction, la somme nécessaire pour désintéresser leurs créanciers, somme à prendre sur les excédens annuels des recettes fédérales, et au taux modique de 1 à 2 pour 100 d’intérêt annuel.

A la chambre des représentais, se lèvent les congressmen MM. Peters et Perkins, députés de l’état de Kansas, qui est resté l’âme du mouvement agricole dont jadis il a pris l’initiative. Ils ont reçu et appuient de leurs discours la délégation de l’Alliance fermière de leur état, qui est venue apporter à Washington les résolutions votées le 27 mars 1890 par la ligue qui siège à Topeka, à