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chefs-d’œuvre du regretté Edmond Hédouin. Je ne dis rien du roman ou du livre lui-même, — car j’en aurais jusqu’à demain.

Et Musset, puisque nous y sommes, dirons-nous qu’il soit un classique ? En vérité, il l’était presque plus il y a quinze ou vingt ans qu’aujourd’hui ; mais ce n’est pas aujourd’hui, c’est il y a quinze ou vingt ans que l’on avait raison ; — et M. Jules Lemaître ne nous en démentira point. Pour cette nouvelle édition du Théâtre de Musset, également publiée par la librairie des bibliophiles, M. Jules Lemaître a écrit, en effet, une Préface, où, en parlant d’Alfred de Musset, il a mêlé son habituelle, spirituelle, et parfois grimaçante ironie, d’un peu plus de sérieux ou de gravité même qu’il ne fait trop souvent. On n’a nulle part, je crois, mieux caractérisé, d’une manière plus expressive et plus heureuse, l’originalité rare et singulière du Théâtre d’Alfred de Musset ; ni nulle part on n’a mieux marqué, d’un trait plus rapide et plus net, la limite qui sépare, au théâtre, — et ailleurs aussi, — le « poétique » du « romanesque. » Les illustrations de M. Ch. Delort, gravées par M. Boilvin, ne sont que suffisantes. Comment se fait-il, en passant, que la Bibliothèque artistique moderne, dont les quatre volumes du Théâtre de Musset font partie, soit presque constamment moins heureuse en illustrations que la Petite Bibliothèque artistique ?

Finissons-en avec les morts illustres en mentionnant ici la nouvelle traduction, agréablement illustrée par M. Toudouze, des Aventures de Nigel, de Walter Scott, chez Firmin Didot ; la nouvelle édition, dans la Bibliothèque des chefs-d’œuvre du Roman contemporain, du Cinq-Mars, d’Alfred de Vigny, que la Revue, d’ailleurs, a déjà signalée ; et enfin, chez Hachette, le premier roman d’Edmond About, Tolla, superbement imprimé, dans le format in-8o, et illustré de 10 grandes planches gravées sur bois d’après les aquarelles de M. F. de Myrbach. Il y a bien de l’esprit dans les compositions de M. de Myrbach ; il y en a presque autant que dans le texte d’About lui-même ; et si dans Tolla le tour de force est d’avoir pu constamment maintenir le ton du récit entre le rire et les larmes, on peut dire de M. de Myrbach qu’en reproduisant dans ses aquarelles les modes de 1840, il a su, comme le romancier, se tenir à égale distance de la caricature et du mélodrame. Cette édition n’est imprimée qu’à neuf cents exemplaires.

Les ouvrages relatifs à l’histoire de l’art sont toujours nombreux parmi les livres d’étrennes, et on en voit aisément les raisons. Il y en a une aussi pour qu’ils soient toujours, ou longtemps encore, bien accueillis du public : c’est qu’il y a quinze ou vingt ans, chez un peuple qui se pique de porter aux choses de l’art un intérêt passionné, tout était encore, en fait d’histoire de l’art, ou à récrire ou à écrire. Mais bien loin de nous en plaindre aujourd’hui, nous nous féliciterions au contraire d’avoir tant attendu, puisque la longueur de l’attente, compensée