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nous prendrons, il ne se rassemblera à la surface qu’assez peu de crème, 4 ou 5 pour 100 par exemple ; et même, cette couche une fois enlevée avec la cuiller, l’aréomètre nous donnera encore le même chiffre qu’auparavant, accru d’une ou deux unités au plus. Il est clair que ce lait a été, au préalable, dépouillé d’une bonne partie de sa crème ; en revanche, il est trop lourd pour avoir été baptisé.

Le second échantillon n’a pas mauvaise mine ; cependant il marque seulement 27 degrés, ce qui est peu. Gardons-nous bien de le condamner, cependant, car nous pouvons nous assurer que sa légèreté spécifique tient à l’abondance de la crème. Otons de l’éprouvette la couche grasse surnageante ; la partie écrémée, notablement plus lourde que le lait primitif, ne diffère point de la moyenne ordinaire.

La densité du troisième échantillon est plus faible encore que celle du numéro 2 et se traduit par 25 degrés. Assez peu de crème : cependant plus qu’avec le lait numéro 1. Le lactodensimètre, après écrémage, accuse 28 degrés, chiffre notoirement insuffisant. Ce lait n’a pas été, il est vrai, écrémé au préalable, mais il a reçu de l’eau ; la faiblesse de sa densité ne pouvant s’expliquer par la présence d’une bonne dose de beurre. Dans l’exemple choisi, le mouillage est d’un cinquième environ.

Si l’on s’était contenté d’une simple pesée au lactodensimètre, sans étudier la montée de la crème, on aurait pu commettre des erreurs très graves. Un lait très crémeux, dont par cela même la densité se rapprocherait de celle de l’eau, semblerait mouillé à un novice qui verrait l’aréomètre s’enfoncer beaucoup trop. Inversement, prenez un bon lait frais de première qualité ; pesez-le d’abord pur, puis après soustraction de la meilleure partie de la crème. La densité primitive ne se retrouvera plus ; en un mot, le lait écrémé sera plus lourd qu’auparavant. Mais arrosez votre lait écrémé avec de l’eau en quantité suffisante, en bien agitant, et vous ne tarderez pas à lire sur l’échelle du lactodensimètre le chiffre observé en premier lieu. Ainsi un lait, à la fois écrémé et mouillé, peut très bien conserver une densité normale, pourvu que les deux opérations soient corrélatives l’une de l’autre ; et, de la sorte, un liquide largement travaillé par le fraudeur semblera de prime abord tout à fait naturel.

Dans de semblables conditions, plus l’écrémage a été exagéré, plus l’addition d’eau doit être copieuse. On s’apercevra bien vite de la fraude dans les cas extrêmes, et l’on n’aura pas besoin de crémomètre pour constater que le lait baptisé trop libéralement est clair, bleuâtre de teinte et qu’il présente un goût fade. Mais