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qu’on vend dans le commerce, résultent d’habitude du mélange d’un assez grand nombre de laits différens, et, par suite, leur pesanteur spécifique se note par des chiffres assez voisins de 1,025 ou 1,030. Du reste, nous reviendrons sur ce point lorsque nous effleurerons la question du mouillage du lait.

Puisque l’on voit la crème surnager au-dessus du lait écrémé, il n’est besoin d’aucun raisonnement pour comprendre que la densité du lait privé de crème est plus forte que celle du lait pur. Il ne faut donc pas s’imaginer que moins le lactodensimètre plonge dans un lait, meilleur est celui-ci, puisque l’on voit que l’écrémage augmente invariablement la densité[1]. Un lait pauvre en crème sera même ordinairement assez dense, surtout s’il n’est pas trop dépourvu de caséine et de sucre.

On a donné le nom trop savant de colostrum au lait que sécrètent les mamelles de la vache à l’époque du vêlage et quelques jours après la part ; mais le terme vulgaire, à consonance peu gracieuse, est « amouille. » Amouille ou colostrton, un pareil liquide est purgatif et tout à fait impropre à la consommation. Si on l’essayait au lactodensimètre, l’instrument consulté ne fournirait le plus souvent aucune indication, le bas de l’échelle graduée ne baignant même pas dans le lait. Il fauchait faire choix d’une autre méthode densimétrique et on s’apercevrait d’un excès de poids de 60 à 75 grammes par litre. Le déficit du beurre n’est pas moins appréciable.

De peur de confusion, nous n’avons jusqu’à présent entretenu le lecteur que du lait de vache, à la vérité le plus important et de beaucoup. Le lait de chèvre et ceux de brebis et d’ânesse diffèrent très peu de ce dernier au point de vue du poids absolu ; au contraire, ces trois sortes de liquides sont très inégalement gras. Le lait de brebis, sensiblement plus crémeux que celui de vache et que le lait de chèvre, à peu près équivalons entre eux en ce qui concerne le beurre, laisse bien loin derrière lui le lait d’ânesse[2]. Circonstance curieuse : malgré la quasi-identité spécifique des deux races d’animaux, la sécrétion mammaire de la jument diffère beaucoup de celui de l’ânesse et pourrait fournir, au besoin, assez de beurre.

  1. L’expérience a prouvé que l’aréomètre ne donnait pas des indications identiques avec deux produits d’égale densité : l’un pur, l’autre écrémé. C’est pour cela que les lactodensimètres portent deux échelles : l’une, accompagnée d’une bande bleue, s’applique aux laits écrémés dont elle rappelle la nuance bleuâtre, tandis que l’autre (celle de la bande jaune) convient aux laits purs.
  2. Le lait de femme contient un peu plus d’extrait onctueux que le lait d’ânesse, mais il est bien moins gras que le lait de vache.