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et leur expérience des affaires et ils s’y faisaient bientôt leur place en contribuant à sa prospérité.

Vers 1630, Amsterdam avait pria un développement considérable. plus heureuse que bien d’autres villes, elle n’avait pas eu à souffrir, comme Alkmar, Leyde ou Harlem. Presque sans effusion de sang, elle renvoyait les oppresseurs et attendait l’issue de la lutte à l’abri de ses digues. Mais du moins elle avait activement participé au succès de la guerre maritime. C’est là que se formaient, c’est de là que partaient les flottes, qui allaient pour un temps assurer la suprématie navale de ce petit pays et mériter à ses intrépides marins, à ses amiraux, à ses colonisateurs une gloire immortelle. Il nous suffira de citer à cet égard les noms de J. van Heemskerk, de Van der Doës, de Linschoten, de Gerrit de Veer, de Barentsz, de Tocht, de Pieter Hein, de Tromp, des de Ruyter, de Jan Pietersz Coen, le héros de la colonisation, et de son lieutenant, ce Pieter Van den Broeck, le fondateur de Batavia, dont Hals peignait en 1633 le portrait[1]. Déjà, à la période guerrière succédait une ère de sécurité relative, utilement employée à l’extension du commerce et à la conquête de possessions lointaines. Le besoin comme le génie de la race y poussait les Hollandais. Ainsi que le disait dès 1532 le comte Antoine de Lalaing, gouverneur des Pays-Bas pour le compte de Charles-Quint, ils avaient compris « qu’ils ne pouvaient subsister ni s’entretenir sans la navigation et qu’il n’y avait pas d’autre moyen d’aider les habitans du pays, car il y a peu de terre et beaucoup de peuple[2]. » Plus tard, cette situation ne frappait pas moins le chevalier Temple, ambassadeur de l’Angleterre, et dans ses Remarques sur l’état des Provinces-Unies (La Haye, 1682), il constatait que « la république, étant sortie de la mer, en a aussi premièrement tiré la force par laquelle elle s’est fait considérer et ensuite ses richesses et sa grandeur… On doit croire que l’eau a partagé avec la terre et que le nombre de ceux qui vivent dans les barques ne le cède pas à celui des hommes qui vivent dans les maisons. »

La population sédentaire avait, il est vrai, cherché à tirer tout le parti possible de la terre. Avec ce bon sens pratique qu’elle montre en toutes choses, elle apprenait à fumer la viande et à saler le beurre que lui procurait son bétail, sa principale richesse, et ses fromages et son beurre faisaient l’objet d’une exportation considérable. De leur côté, les marins avaient aussi trouvé le moyen de conserver le saumon et la morue et d’encaquer le hareng qu’ils

  1. C’est ce portrait, connu sous le nom de l’Homme à la canne, qui a été récemment acheté 110,500 francs à la vente Secrétan.
  2. Altmeyer : Relations commerciales et diplomatiques des Pays-Bas avec le nord de l’Europe au commencement du XVIe siècle. Bruxelles, 1840 ; p. 207.