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prouvent qu’il est possible de construire pour les ouvriers des habitations salubres et agréables, et de les y loger à des prix inférieurs à ceux des bouges dans lesquels ils s’entassent aujourd’hui. En parcourant ces petites pièces claires, bien aérées, disposées avec intelligence, on se rend compte de l’attrait qu’une pareille demeure doit avoir pour son locataire, et de l’influence qu’elle exerce sur sa conduite. On pressent que le désir d’en devenir possesseur doit développer chez lui le sentiment de l’épargne, le goût de la vie régulière et ordonnée. On sort de cette visite avec la conviction que c’est dans la maison de l’ouvrier que gît le nœud de la question sociale.

J’ai traité ce sujet, ici même, avec trop de développement[1] pour y revenir aujourd’hui ; mais je ne saurais trop engager les personnes qu’il intéresse à visiter cette partie de l’exposition d’économie sociale. Indépendamment des spécimens dont je viens de parler, elles y trouveront les plans d’ensemble et les petits modèles des cités ouvrières de Varangeville-Dombasle (Meurthe-et-Moselle), les plans de celles de Solvay, de Mons, de Bruxelles, d’Anvers, de Liège, de Couillet, de Nivelles, de Bolbec, du Havre, de Saint-Ouen, etc., avec toutes les indications relatives à leur installation et à leur fonctionnement.

Les maisonnettes qu’on visite à l’Exposition ne représentent qu’une des solutions du problème. C’est la meilleure, mais la plus dispendieuse. Elle est difficilement réalisable dans les grandes villes où la main-d’œuvre et le terrain sont chers. L’élite de la population ouvrière peut seule y trouver place. Pour le reste, il faut se résigner à : la maison collective. Il en existe de nombreux spécimens à l’Exposition. L’Angleterre y a envoyé un beau plan de Londres, où les, immeubles de la société The improved dwelling Company sont représentés par des points ronges. On en compte 34 qui abritent 3,915 familles. Une de ces immenses maisons renferme 1,046 logemens. Ces grandes casernes, de même que celles de la fondation Peabody, sont condamnées par tous les hygiénistes au nom de la santé et des mœurs.

En France, on s’est arrêté à un moyen terme : la maison collective, avec logement individuel ouvrant sans intermédiaire sur la rue ou sur l’escalier. C’est le système qu’on a réalisé à Lyon et à Rouen et que la Société philanthropique a adopté pour les deux immeubles qu’elle a récemment construits rue Jeanne-d’Arc, 65, et boulevard de Grenelle, 63 et 65. La première contient 35 logemens et la seconde 45. Le prix des loyers oscille entre 169 et 273 francs.

  1. Voyez la Revue du 15 mai 1888.