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nature à m’éclairer. J’avais déjà fait, dans des cas analogues, des demandes de ce genre aux archives de Dresde, de La Haye et de Londres ; partout j’avais trouvé l’accueil le plus empressé et le plus bienveillant. Ce souvenir m’encourageait à espérer que ma prétention ne paraîtrait pas plus indiscrète cette fois que dans les occasions précédentes.

Ce qui m’encouragea encore davantage, ce fut la réponse pleine de courtoisie que je reçus, le 2 janvier de cette année, de M. le directeur des archives piémontaises. Il m’annonçait qu’il avait bien voulu faire les recherches que je sollicitais de lui, que les correspondances qui pouvaient répondre à ma curiosité, et dont il m’indiquait le nombre, la date et la nature, avaient été mises de côté pour m’être expédiées en copie, aussitôt qu’il en aurait obtenu l’autorisation de M. le président du conseil, ministre des affaires étrangères et de l’intérieur. Il ne paraissait pas mettre en doute l’assentiment de M. Crispi, et de fait, l’approbation, nécessaire en tout pays, de l’autorité supérieure pour les communications diplomatiques n’est en général qu’une simple formalité, quand aucune objection n’est élevée par le directeur spécial à qui le dépôt des archives est confié.

J’attendis plusieurs mois l’envoi qu’on m’avait fait espérer. Enfin, le 5 août dernier, M. le directeur m’a fait savoir, dans des termes toujours très obligeans, son regret de ne pouvoir y donner suite. Un nouvel examen avait fait reconnaître, me dit-il, que les documens que j’avais indiqués étaient de nature confidentielle et secrète, et que, d’après les règlemens en vigueur, on ne pouvait en laisser prendre ni communication ni copie.

J’avoue que cette déclaration, à laquelle je ne m’attendais pas, m’a causé une légère surprise. Comment le caractère confidentiel et secret des documens, inaperçu en janvier, était-il devenu visible huit mois après ? Et comment des pièces relatives à une époque éloignée de la nôtre de près d’un siècle et demi, et antérieure à toute la série des révolutions qui ont changé la face de l’Europe, peuvent-elles renfermer encore des secrets d’état ?

Quelques personnes ont voulu me faire croire que l’interdiction qui m’était opposée m’était personnelle et avait pour cause la liberté de certains jugemens que j’avais pu porter dans mes écrits précédens sur la politique suivie, dans différentes occasions, par l’illustre maison de Savoie. On se serait méfié du parti que je pouvais tirer des pièces qu’on m’aurait laissé voir.

Je ne puis admettre un instant une telle supposition. Ce serait attribuer au gouvernement italien actuel des égards posthumes pour la mémoire de Charles-Emmanuel III que je n’ai trouvés ni en Saxe pour celle d’Auguste III, ni en Angleterre pour celle de George II,