courte… Rien ne compte, ni nos péchés, ni nos chagrins, mais Dieu seul et notre amour pour lui.
Elle se releva et contempla longuement avec une pitié passionnée la forme étendue qui s’effaçait dans l’ombre. Oh ! réponse bénie du cœur au cœur ! Il y avait des larmes sous les lourdes paupières, toute la physionomie s’était adoucie et lentement la faible main cherchait la sienne.
— Embrassez-moi, murmura la mourante.
L’heure des spectres était passée. Au dehors, la lune étendait son empire dans les deux éclaircis…
C’est ainsi que se sont conclues les fiançailles de Catherine, dans de solennelles circonstances, en face de la mort et sous les auspices de la charité sans qu’elle soit descendue de son rêve mystique.
Il n’y a dans son consentement au mariage aucune déchéance ; ce caractère, un peu étroit peut-être, mais d’une singulière élévation, reste intact, et nous nous figurons sans peine quelle divine influence il pourra dans l’avenir exercer sur les âmes. La paroisse du Surrey, qui possède un pasteur du mérite de Robert EIsmere et une vivante patronne digne de sa grande homonyme d’Alexandrie, peut se flatter d’être privilégiée. N’est-ce pas d’ailleurs le paradis que ce joli presbytère de Murewell situé dans le comté de l’Angleterre qui ressemble le plus à un parc immense et varié à l’infini, avec ses bois, ses fleurs, ses lacs en miniature, la douceur de son climat, la grâce accueillante de ses paysages ? Et cependant, nous ne sommes pas tranquilles. Mrs Ward nous a trop souvent fait pressentir le péril en insistant sur les raisons purement émotionnelles de la vocation religieuse d’Elsmere et en rappelant ensuite ces paroles de Grey : « Les événemens décisifs se produisent dans l’intelligence… » Robert n’a franchi encore que les premières étapes de la poésie et du sentiment ; il lui reste à penser, à réfléchir, à recevoir les leçons de l’expérience ; le grain, jeté par un maître qu’il n’avait jusqu’ici compris qu’imparfaitement, est dans son cœur, prêt à germer, et il a un dangereux voisin en la personne du squire, Roger Wendover.
Avant d’aborder la seconde partie du roman, admirons, presque sans réserve, tout ce commencement qui mérite vraiment qu’on le rapproche des Scènes de la vie cléricale et d’Adam Bede. Aussi bien Catherine est-elle quelque peu parente de Dinah Morris, dont même à un certain moment le souvenir lui fait du tort, car Dinah, l’inspirée, n’est jamais ennuyeuse, tandis que nous sommes bien forcés de reconnaître que la femme irréprochable de Robert Elsmere le devient un peu à la longue. On est tenté de comprendre les boutades de la jeune Rose contre l’excès des principes ; on