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et pour lesquelles le renvoi devant les bureaux était indispensable, figuraient nombre de propositions qui revenaient naturellement aux comités de législation, de finances, de justice, d’instruction publique, des travaux publics, du commerce et de l’agriculture. Il ne faudrait pas en conclure que les comités se laissèrent dépouiller sans protester. Nous avons vu plus haut avec quelle énergie Billault, de Larcy et Léon Faucher défendirent les droits du comité des finances. Le comité de l’instruction publique réclama non moins bruyamment lorsqu’on demanda le renvoi du projet de loi sur l’instruction primaire aux bureaux. Le ministre Vaulabelle avait proposé le renvoi au comité spécial qui était présidé par Jean Reynaud et favorable au projet gouvernemental. Salmon invoqua la composition de ce comité, qui réunissait les plus hautes spécialités de la science et du corps enseignant. Il fut combattu par Denjoy, de Falloux et M. de Kerdrel, qui invoquèrent les intérêts de la famille, de la liberté d’enseignement, de la liberté des cultes, des finances de l’état et des communes. L’assemblée était républicaine, mais animée en majorité de l’esprit religieux, elle se prononça contre le gouvernement et pour le renvoi aux bureaux.

Il en fut de même pour le comité de la justice, qui avait consacré de nombreuses séances à la discussion de l’organisation judiciaire et auquel on enleva l’examen du projet de loi sur la réorganisation de la magistrature. Le 18 octobre, Marie, ministre de la justice, dépose son projet en demandant le renvoi au comité compétent. Crémioux l’appuie en faisant observer que le comité s’est longuement occupé de la question, et qu’il est d’accord avec le gouvernement sur plusieurs points importons. Rouher tire au contraire de ces faits la conclusion que le comité est suspect et qu’il est préférable de nommer une commission spéciale. La question politique l’emporta sur la question de compétence, et le projet fut renvoyé aux bureaux.

Les mêmes faits se produisirent plusieurs fois pour des projets qui devaient être attribués aux comités du commerce et des travaux publics. Il arriva même que des comités reçurent des projets de lois pour les examiner, qu’ils en délibérèrent longuement à la demande de l’assemblée et que plus tard celle-ci les dessaisit du projet pour le renvoyer à une commission spéciale. C’est ce qui eut lieu notamment pour le projet de loi sur les coalitions. Après avoir entendu le rapport des comités de justice et de législation sur cette question, la constituante considéra qu’elle n’était pas suffisamment éclairée, que son opinion n’était pas faite et qu’une discussion dans les bureaux était nécessaire avant la discussion en séance publique. Finalement une commission spéciale fut nommée.