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rapidement sur le simple avis d’un comité. Son improvisation, où les contradictions ne manquaient pas, trahissait l’embarras du ministre ayant vécu jusque-là dans l’opposition et mal préparé à défendre à la tribune les nécessités de la politique gouvernementale.

Le vote de l’assemblée fut enlevé sans peine par une réplique de M. Dufaure où le système des comités fut représenté très spécieusement, mais en termes très habiles comme la sauvegarde des minorités et comme une école d’apprentissage du pouvoir pour les oppositions. L’argumentation eut un grand succès. La constituante ne se connaissait pas, personne n’y voyait de majorité déterminée, et chaque parti en formation était animé de la juste crainte d’être opprimé par les autres et de ne pas obtenir sa part de pouvoir.

L’ancien ministre de Louis-Philippe commença par rappeler que la proposition avait été empruntée au règlement de l’assemblée constituante, et par évoquer le souvenir des admirables travaux sortis des comités de cette époque. Puis, il attaqua vigoureusement les commissions nommées dans les bureaux, commissions dont les travaux préparatoires sont élaborés, dit-il, sans la maturité, la rapidité et l’impartialité nécessaires. Il affirma que souvent les bureaux manquaient d’hommes compétens, qu’en quarante-huit heures, des hommes spéciaux pouvaient apporter un rapport très Approfondi pour lequel des hommes non spéciaux demanderaient quinze jours.

Abordant ensuite le côté politique de la question, M. Dufaure s’exprimait ainsi : « Il y a une autre question qui me touche beaucoup plus, c’est la question d’impartialité. Il est nécessaire que -dans nos délibérations, la minorité puisse avoir constamment son mot, qu’elle puisse à la fois étudier et parler. Dans les assemblées précédentes, tantôt par esprit de parti, tantôt par un motif qui paraît plus louable, par condescendance pour des amis politiques, on ne nommait que des membres de la majorité. Alors vous aviez des commissions en très grand nombre, dans lesquelles non-seulement la minorité n’était pas entendue, mais n’étudiait pas. La minorité ne pouvait pas connaître, et quand la question se discutait à la tribune, la minorité n’apportait pour réponse que certains principes généraux ; quant aux faits, aux détails, aux raisons spéciales, elle ne pouvait pas les faire valoir, elle ne les connaissait pas. Il en résultait de très grands inconvéniens, il en résultait un inconvénient pour la majorité elle-même, qui n’a qu’à gagner à ce que, avant la discussion publique, la minorité lui fasse connaître ses objections.

« Dans notre gouvernement populaire, les majorités et les minorités sont changeantes, le pouvoir passe fréquemment d’une main à l’autre ; quand la minorité n’a pas étudié les affaires du pays