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n’enlèverait au propriétaire qu’une faculté dont il n’a pas encore fait usage ; mais comment imposer le statu quo à la surface sans l’imposer en même temps à la mine ? Et pour la mine, ce serait l’arrêt fatal. Ne faut-il pas, en effet, dès que l’extraction se développe, ouvrir de nouveaux puits, installer de nouvelles machines, donner de nouvelles issues aux eaux souterraines ? On a donc dû non-seulement laisser le concessionnaire exploiter librement, mais encore lui permettre de prendre ce dont il a besoin à fleur de sol, et cela non pas une fois pour toutes au début de l’entreprise, mais, au fur et à mesure de ses besoins, pendant la durée indéfinie de la concession. C’est à quoi l’article 44 de la loi de 1810 a largement pourvu. Il n’y a d’exception que pour le terrain situé dans le voisinage immédiat des habitations ou des enclos y attenant, « l’asile des jouissances domestiques, » — auquel la loi de 1810 accorde un rayon de protection de 100 mètres, réduit à 50 par la loi du 27 juillet 1880. A cette réserve près, le droit d’occupation est attribué d’une manière presque illimitée : pour l’établissement de magasins et d’ateliers, pour la préparation métallique des minerais et le lavage des combustibles, pour l’ouverture de routes d’accès, même de chemins de fer, quand ils ne doivent pas modifier le relief du sol.

Dépossession immédiate du tréfonds, occupation éventuelle de la surface, tout cela, en dépit des réticences, des artifices de langage, n’est en définitive que l’expropriation, et, qui pis est, l’expropriation fonctionnant au profit d’un particulier, — puisqu’aux yeux de la loi le concessionnaire de mines est un propriétaire comme un autre. Nouvelle inconséquence, et nouvelle cause aussi de tiraillemens et de disputes. En quoi ? Va-t-on dire. Le propriétaire du sol n’est pas lésé : la loi lui accorde, en cas d’occupation, une indemnité double de la valeur de son terrain, et, pour ce qui est des dommages accessoires, de l’interdiction de bâtir, de la dépréciation de l’immeuble, de la menace d’occupation, la redevance assise sur la mine en est une compensation suffisante. Simple question d’argent. Oui, mais bien délicate et complexe dans la situation mal définie des deux propriétés rivales, avec les données conjecturales de la science sur la consistance et la richesse des mines à ouvrir, et qui rendent la difficulté inextricable. Le propriétaire du dessus est troublé par un acte de l’autorité publique ; on serait donc porté, dans le doute, à le traiter favorablement. Mais, pour peu qu’on fasse pencher de son côté la balance, le concessionnaire va se plaindre qu’on aggrave ses charges financières déjà si lourdes. Ce n’est pas tout. Comme si l’on avait voulu compliquer encore les choses, on interdit aux intéressés de s’entendre ; la loi tient pour non avenus leurs arrangemens amiables ; c’est au gouvernement qu’elle réserve le droit sans appel de fixer la redevance, avant la