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souder, que déjà les manœuvres étaient terminées. La dislocation s’opéra avant même que la liaison eût commencé. Et l’on put à juste titre s’étonner de l’emploi incertain qui fut fait de cette cavalerie, de son inaction ou de son intervention exagérée ; en somme, de son impuissance.

Depuis trois années, les Allemands sont entrés résolument dans une meilleure voie. Leur cavalerie n’aborde les manœuvres en liaison avec les autres armes qu’après avoir été exercée à l’action d’ensemble dans sa double manifestation tactique et stratégique. Les ordres du cabinet du 24 février 1887, du 16 février 1888, du 9 février 1889, relatifs à l’exécution des grandes manœuvres, ont en effet prescrit, pour la cavalerie, la division des opérations en deux périodes : une période de manœuvres spéciales de cavalerie, une période de participation aux manœuvres d’armes combinées. Ce programme a été strictement exécuté. En 1887, les troupes de cavalerie stationnées dans le Ier et le 2e corps, après avoir été, pendant dix jours, rassemblées en brigades et en divisions exercées à la tactique d’ensemble, ont ensuite pris part aux manœuvres impériales. La même progression a été observée, l’année suivante, pour les régimens de cavalerie de la garde et ceux stationnés dans le 3e corps. Enfin, en 1869, les deux divisions de cavalerie, formées dans les 7e et 10e corps, marchèrent avec leur corps d’armée dans les manœuvres exécutées devant l’empereur.

Les efforts de cette cavalerie rivale ne se bornent pas d’ailleurs à l’exécution stricte des programmes officiels. Loin d’assister en spectatrice inactive aux manœuvres d’armes combinées, loin de craindre de s’y compromettre en jouant un rôle trop accusé, elle s’efforce au contraire, par tous les moyens et sous toutes les formes, de ressaisir le rôle traditionnel et glorieux de la cavalerie frédéricienne. C’est ainsi qu’aux manœuvres impériales de 1888, exécutées aux environs de Berlin, on a pu Voir les deux divisions de la garde et du 3e corps, — soit 60 escadrons[1], — réunies sous un commandement unique, intervenir sur le champ de bataille, par une action en masses, d’abord contre la cavalerie adverse figurée, puis contre l’infanterie. Ces deux charges eurent lieu dans la même journée. On peut trouver qu’elles indiquent un excès d’audace assez explicable quand manque le facteur des balles dans les fusils. Mais la seule progression de ces opérations prouve une conception nette de la tactique de l’arme ; car c’est après s’être débarrassée de sa rivale, que la cavalerie pourra seulement attaquer l’infanterie. Il en ressort surtout un généreux mouvement d’impulsion en avant, un désir manifeste de revendiquer une part d’action trop

  1. Les régimens allemands, depuis 1887, sont constitués, pour les manœuvres, a cinq escadrons.