la portée. L’évolution est aujourd’hui complète ; il n’y a plus à la discuter, mais seulement à l’étudier.
Lorsque furent élaborées, en 1881, les premières règles relatives aux manœuvres d’automne, l’idée de cette tactique de masses n’avait évidemment pas assez mûri. On ne pouvait, sans une certaine hésitation, abandonner un ordre de choses étudié, connu, pour s’aventurer de plain-pied sur un terrain inexploré. Au seuil de la guerre nouvelle, on se rattachait encore à ce qui surnageait du passé. Ce qui s’était produit pour la cavalerie se produisit avec plus d’amplitude pour toute l’armée. Une certaine confusion devait s’établir et s’établit entre les évolutions qui sont le mécanisme régulier des différentes formations, et la manœuvre qui est l’emploi tactique de ces formations. Aussi, dans l’incertitude où l’on était de poser des règles précises pour le maniement des grandes masses, on prit le parti de décorer du nom de « manœuvres » les mouvemens exécutés par des unités secondaires, sans tenir compte que dans les guerres futures, les unités inférieures aux corps d’armée, n’ayant que très exceptionnellement à jouer un rôle spécial et isolé, se borneraient presque toujours à évoluer.
Ces règles, en effet, portaient que chaque année : « Un tiers des corps d’armée de l’intérieur devrait exécuter des manœuvres de brigade, un second tiers des manœuvres de division, et les six autres corps des manœuvres d’ensemble. » Ces prescriptions sont restées stationnaires ; la dernière même n’a pas été observée. Deux corps d’armée seulement exécutent, en effet, des manœuvres d’ensemble ; sur tout le reste du territoire, on s’en tient aux manœuvres de brigade et de division. Et cependant quel peut être désormais le rôle de ces dernières unités, sinon celui de simples comparses, noyés dans le flot montant des nombres infiniment agrandis ! Dans les effectifs considérables des armées modernes, les différens élémens de combat ont, en effet, perdu leur ancienne et relative valeur. Tout est réduit des trois quarts, et la division, qui, sous le premier empire, apparaissait comme une unité tactique essentielle, ne semble plus destinée à sortir d’un rôle subordonné et secondaire[1]. Quant à la brigade, elle disparaît complètement dans l’amplitude de l’ensemble. Seul, le corps d’armée, quoique presque toujours encadré, reste une unité cohérente et forte, seul il peut
- ↑ . Napoléon lui-même n’admettait l’emploi de la division isolée que provisoirement et à courte distance : « Une division de 9 à 12,000 hommes, écrit-il, peut être sans inconvénient laissée pendant une heure isolée ; elle contiendra l’ennemi, quelque nombreux qu’il soit, et donnera le temps à l’armée d’arriver. Aussi est-il d’usage de ne pas former une avant-garde de moins de 9,000 hommes, d’en faire camper l’infanterie bien réunie, et de la placer au plus à une heure de l’armée. » (Napoléon, Mémoires.)