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Sur deux points en particulier, la partie déjà entamée, si elle était jouée avec hardiesse et couronnée par un succès rapide, pouvait, avant même que la grande lutte fût reprise, en changer toutes les conditions. Un corps de 11,000 hommes, détaché de l’armée de Flandre, et réuni sur les côtes de la Manche était prêt à partir sous les ordres du duc de Richelieu pour tenter un débarquement en Écosse, et venir en aide au prétendant. Maurice, de son côté, restant au milieu de ses troupes victorieuses, au lieu de venir, suivant-son habitude et son goût, jouir pendant l’hiver des plaisirs de la capitale, méditait un coup d’audace, dont le secret, gardé même pour ses amis les plus intimes, attestait toute l’importance.

L’expédition confiée à Richelieu n’ayant pu, comme on va le voir, être menée à fin, d’Argenson se défend vivement dans ses Mémoires de l’avoir jamais conseillée ; il assure même que, comme on le voyait hésiter à s’y associer, il « s’éleva contre lui des orages » semblables à ceux de la Manche qui nous sépare de l’Angleterre ; c’était, dit-il, « un déchaînement de seigneurs, de valets, de femmes, d’aventuriers, à qui on avait promis de grosses sommes d’argent, qui devaient leur revenir de la conquête de l’Angleterre, et qui demandaient en attendant quelques louis à compte, comme le Fâcheux de la comédie de Molière. » — J’ai cherché vainement la trace de cette résistance de d’Argenson dans ses correspondances, et-je ne vois pas comment elle eût pu être bien vive, puisque, comme j’ai eu occasion de le raconter, c’était lui-même qui, trois mois déjà auparavant, avait expédié, auprès du prétendant, un envoyé choisi parmi ses amis personnels. Depuis lors, le marquis d’Eguilles ne quittait pas le camp des insurgés écossais, où il était assez ouvertement traité comme le représentant de la cour de France. La mission de d’Eguilles n’aurait pas eu de sens et ne se serait pas ainsi prolongée, si elle n’avait été accompagnée de la promesse d’un secours effectif que Charles-Edouard, du reste, ne