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prévaudra ? On commencera sans doute à le voir dès la session qui va s’ouvrir, dès l’entrée en scène de cette chambre nouvelle pour qui la vérification des pouvoirs va être une première épreuve peut-être décisive. Pour le moment, il est bien clair qu’il ne s’agit pas de combiner des ministères, de signer des traités entre les partis, de proposer à l’improviste, avec précipitation, des mesures et des réformes dont les passions mal apaisées pourraient compromettre le succès. Il s’agit, avant tout, de remettre un peu de clarté là où tout est encore obscur, de préparer une situation moins tourmentée, de dégager de cette situation une politique qui puisse rallier les bonnes volontés, trouver au besoin une majorité dans le parlement comme dans le pays. Qu’il y ait de singulières difficultés à entreprendre ou à réaliser une œuvre qui consiste à raffermir la constitution, à refaire un gouvernement, à pacifier les esprits, par le respect de tous les droits, à faire rentrer l’ordre et l’impartialité dans l’administration, à reprendre la réorganisation financière, c’est malheureusement trop évident. C’est cependant aujourd’hui le programme nécessaire de toute politique sérieuse. On retombera fatalement dans toutes les confusions, dans des crises nouvelles, ou l’on se mettra à cette œuvre sans esprit de réaction, sans faiblesse et sans crainte. M. Ribot, qui, dans son empressement à désavouer toute pensée d’entente avec les conservateurs et à donner des gages de son orthodoxie républicaine, s’est fait l’allié de M. Barodet, M. Ribot s’est un peu pressé l’autre jour en prétendant qu’on ne pouvait toucher aux lois scolaires et à la loi militaire. C’est une question ; mais ce qui n’est pas une question, c’est que ce n’est plus seulement ici une affaire de parti, c’est une affaire d’équité libérale, de paix intérieure, d’intérêt public, même de nécessité. Il s’est échappé de ces élections dernières une sorte de protestation impatiente contre toutes les laïcisations à outrance, les vexations religieuses, les tyrannies d’écoles qui ont fini par fatiguer tout le monde, et le moins qu’on puisse faire, certainement, est de suspendre cette guerre à tout ce qui est religieux, de rendre aux communes un droit sur leurs écoles. A plus forte raison, sera-t-on obligé de revoir cette loi militaire dont l’application devient un danger pour l’éducation intellectuelle du pays et menace dans son organisation, en ce moment même, la première de nos écoles, l’École normale, exposée à perdre une partie de ses élèves.

On ne touchera pas à la loi militaire, aux lois scolaires, dit-on. C’est là justement le point vif ; c’est là que les partis vont donner leur mesure, et si c’est en s’obstinant dans leur politique de secte et dans leurs préjugés, en y ajoutant aujourd’hui des répressions contre la presse que les républicains opportunistes et radicaux se flattent de prolonger leur règne, de dérober, comme ils le disent, les masses conservatrices aux chefs qui les conduisent, ils se trompent étrangement. Ce qui