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un instant dans une telle atmosphère de violences, d’excitations et d’outrages qu’il était vraiment temps d’en finir par le jugement souverain du pays. Aujourd’hui, il est plus que temps d’arriver à l’ouverture du nouveau parlement, — et cette ouverture est maintenant fixée au 12 novembre, — pour en finir avec les vaines interprétations, pour se retrouver en face de réalités palpables et saisissables, d’une situation ou la France puisse se reconnaître.

Au demeurant, quel que soit le dénombrement des partis, dans la chambre nouvelle, quels que soient les artifices des polémiques, s’il y a une chose claire et visible, c’est le caractère de ces élections qui datent d’un mois à peine. Évidemment ce malheureux pays, livré pendant quelques semaines à toutes les excitations, a su en définitive ce qu’il voulait ; il a eu sa pensée et il l’a exprimée autant qu’il l’a pu. Il a donné une sanction nouvelle à la république, cela est certain. Il a désavoué tout désir de révolution, même d’une révision qui n’eût été que le prélude d’agitations indéfinies. Il a voté pour la république et pour la constitution. Il a en même temps, c’est tout aussi certain, manifesté le vœu de vivre tranquille, d’avoir un gouvernement sensé et honnête, d’être délivré des délations locales, des persécutions religieuses, de voir reparaître l’ordre et la vigilance dans son administration comme dans ses finances. Il a demandé à être protégé et respecté dans sa liberté, dans ses intérêts comme dans ses croyances. Il a voté le plus souvent, presque sans distinction de parti, pour ceux qui lui parlaient de ces premières garanties d’une société civilisée. Le pays, en un mot, a voté pour un ordre libéral et conservateur dans la république. Voilà qui est clair, et M. Léon Say n’a fait après tout que dégager le sens et la moralité du dernier scrutin, lorsque dans ses conversations il a affirmé la nécessité d’une politique nouvelle répondant à cette situation, bannissant l’esprit de secte de l’administration et des lois, assurant au pays le respect de ses croyances et l’ordre dans ses finances, acceptant ou même recherchant au besoin le concours de toutes les bonnes volontés sincères. M. Léon Say, s’il a tenu en effet le langage qu’on lui a prêté, n’a dit manifestement que la vérité la plus simple. Les élections dernières ont cette signification, ou elles n’ont aucun sens ; elles sont un appel à une politique nouvelle, à un esprit nouveau dans la direction des affaires du pays, ou elles ne sont qu’un piétinement dans une impuissance irrémédiable et indéfinie. Qu’est-il arrivé cependant ? Il a suffi d’une parole claire et nette dissipant toute équivoque, allant droit au point vif de la situation pour réveiller toutes les colères opportunistes et radicales. Peu s’en faut que M. Léon Say n’ait été excommunié, traité en hérétique ou en transfuge pour avoir manqué de respect à la concentration républicaine toujours vivante, à ce qu’il parait, pour avoir osé avouer qu’il ne serait peut-être que juste de tenir compte des sentimens conservateurs du pays, d’adoucir ce qu’il y a eu d’exces-