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que les paysages de mer. Comme nous l’avons dit, c’est dans de petites toiles, à l’exemple de Ruysdaël et d’Hobbema, de Jules Dupré et de Théodore Rousseau, que les Anglais concentrent leurs émotions et leurs réflexions devant les accidens des forêts et des plaines. S’ils les agrandissent un peu, par exception, comme M. Leader, ce n’est point simplement pour occuper plus de place sur une muraille d’exposition ainsi que font nos jeunes paysagistes, c’est parce qu’ils ont de quoi la remplir. Et vraiment la toile de M. Leader, qui serait d’ailleurs une petite toile dans nos Salons annuels, est toute débordante d’impressions et d’expressions. Ce soir, il y aura de la lumière ! Titre bien anglais, pointure b²en anglaise aussi, saisissante, pénétrante, touchante, admirable ! Une plaine inondée, d’où émergent au loin, entre les bouquets d’arbres secs, des toitures basses de villages ; à la gauche, une sorte d’îlot sur lequel se dresse, au milieu du cimetière, près de la petite église, un cèdre énorme, étendant ses larges branchages noirs au-dessus des tombes abandonnées. Pas une âme dans ce grand espace vide, attristé, silencieux. Tandis que l’eau se retire, ne brillant plus que dans les fossés et les sillons, la lumière du crépuscule, dorée, tendre, puissante et rassurante, emplit lentement de sa splendeur pacifique le ciel rasséréné et la campagne consolée. Ici, l’exécutant est tout à fait à la hauteur de l’observateur et du poète ; la force et la délicatesse éclatent aussi bien dans la vigueur des arbres et dans la transparence des nuées que dans la majesté simple de l’ensemble. C’est vraiment une œuvre hors ligne, et ce n’est pas la seule ; nous nous y sommes arrêté parce qu’elle est la plus typique, mais il faut voir aussi les œuvres de MM. Wyllie, Corbett, Fisher, Aumônier, Knight, Brewtnal, Johnson, Bates et bien d’autres. Il y a là un art vivant, consciencieux, observateur, chercheur, indépendant et audacieux, qui vit par lui-même et qui nous réserve sans doute dans l’avenir bien des surprises encore et bien des enchantemens !


II

Les salles de l’Autriche-Hongrie nous offrent plusieurs compositions vastes et dramatiques, le Christ devant Pilate et le Christ au Calvaire de M. Munkacsy, le Kosciuszko après la bataille de Raclavice, par M. Jan Matejko, la Défenestration de Prague, par M. Brözik, les épisodes de la Perte de l’expédition de John Franklin au cap Nord, par M. J. de Payer, et, en même temps, un grand nombre de peintures habiles, soignées, spirituelles, amusantes, celles de MM. Charlemont, Ribarz, Hynaïs, etc. Néanmoins, c’est un des