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conservées par le froid indique les progrès rapides de cette industrie. De 72,000 quintaux en 1883, l’exportation, en Angleterre, de la viande congelée s’est élevée, en 1888, à 400,000, et tend à s’accroître dans des proportions rapides. La Nouvelle-Zélande est, avec l’Australie et la République Argentine, l’un des grands centres d’exportation de la viande conservée par le froid ; et si l’on tient compte que ces trois états possèdent, à eux seuls, 170 millions de moutons et plus de 27 millions de têtes de gros bétail, que ces chiffres augmentent chaque année, malgré l’exportation grandissante, on entrevoit les réserves importantes qu’ils détiennent pour l’avenir.

Les organisateurs de l’exposition de la Nouvelle-Zélande ont, ainsi que ceux de l’Australie, multiplié les cartes géographiques, les scènes de la vie des mines et des champs, les diagrammes qui frappent les yeux et permettent de mesurer d’un coup d’œil la marche ascendante de la population, de la production, de l’élevage, de la mise en culture des terres. Devant ces lignes coloriées, s’élevant par bonds annuels, montant avec une incroyable rapidité, sans temps d’arrêt, sans retour en arrière, élargissant toujours l’espace qui les sépare, on demeure confondu. Cette échelle aux degrés abrupts donne mieux qu’aucun chiffre la sensation de vertigineuse prospérité, d’invraisemblables progrès réalisés en peu d’années. Lente et graduée aux débuts de la colonisation, elle pousse chaque année plus haut ses lignes parallèles dont la comparaison s’impose. En moins de trente années, cet archipel a produit 1,100 millions d’or, 5 millions de tonnes de charbon ; en 1888, il exporte pour 15 millions de viande, pour 30 millions de produits agricoles ; de 1853 à 1889, la Nouvelle-Zélande a contribué, déduction faite des produits consommés sur place, pour 3 milliards 1/2 à l’actif de l’humanité.

Ni Taïti, ni la Nouvelle-Calédonie ne nous montrent rien d’égal. Au palais des colonies, leurs produits tropicaux méthodiquement classés n’accusent guère que l’essor d’une industrie nouvelle, celle du nickel, dont la Nouvelle-Calédonie expose de nombreux échantillons : minerais, métal pur et articles fabriqués ; mais la note caractéristique de leur exposition est autre. Pour la première fois, dans cette revue des états nouveaux d’Amérique et d’Océanie, sur ces terres récemment ouvertes aux colons européens, il nous est donné de voir et de constater la large part faite à la race indigène, l’autochtone non plus dépossédé par le blanc, traqué et pourchassé, réduit à traîner une existence misérable, à chercher un abri précaire dans ses forêts. Ici, nous le voyons protégé dons l’exercice de ses droits, dans ses héréditaires possessions ; il vit libre, sur son sol natal, et la main qui s’étend sur lui n’est ni lourde ni cruelle. Si les progrès sont plus lents et la production moins active, inutilement