la visite de l’empereur Guillaume à Peterhof ; ce n’est que ces jours derniers qu’il a fait à son tour sa visite à Berlin, et il y est allé sans être accompagné de l’impératrice, ni d’ailleurs de son chancelier, M. de Giers. Il a voulu enfin descendre à son ambassade, c’est-à-dire en territoire russe. On ne peut pas dire non plus que de la part de l’Allemagne et de son souverain, il y ait eu un excès d’enthousiasme et de démonstrations. Depuis quelque temps les journaux allemands sont plus occupés que jamais à poursuivre de leurs polémiques acerbes la Russie, sa politique, ses finances, ses arméniens, tout ce qu’on fait, tout ce qu’on est censé méditer à Pétersbourg. C’était peut-être souhaiter une étrange bienvenue à un grand souverain ! Quant à l’empereur Guillaume II lui-même, il était la veille de l’arrivée du tsar à Kiel, recevant les hommages de l’escadre anglaise venue sans doute tout exprès pour saluer son nouvel amiral. Il n’aurait eu qu’à patienter quelques heures pour recevoir son hôte ; il est rentré brusquement à Berlin, sans attendre le débarquement de l’empereur Alexandre. Si c’est l’étiquette qui l’a voulu, c’est qu’il avait été convenu apparemment que l’étiquette seule devait présider au voyage. Non, on ne peut pas dire qu’il y ait eu de part ni d’autre dans les préliminaires de cette visite des marques d’une intime et prévenante confiance. Il est bien entendu qu’en dépit de quelques apparences, tout a dû se passer et paraît en effet s’être passé à Berlin le plus correctement possible, non peut-être avec les effusions, les manifestations qui ont accueilli l’empereur d’Autriche ou le roi Humbert, mais avec cette mesure de courtoisie mutuelle qui est encore une image de la cordialité entre des souverains décidés à ne pas se brouiller légèrement. Les fêtes, les galas, les toasts, le pèlerinage aux tombeaux de l’empereur Guillaume Ier et de Frédéric III, les chasses, les revues, rien n’a manqué pour faire honneur à l’hôte impérial pendant les quarante-huit heures de son séjour à Berlin. Les quarante-huit heures ont dû même être bien remplies. Bref, c’est une visite rendue et reçue selon les règles.
Après cela quel autre sens, quelle signification plus précise ou plus décisive pourrait avoir ce passage du tsar à Berlin ? On ne le voit pas trop. Que M. de Bismarck, qui est revenu tout exprès de Friedrichsruhe et qui n’a sûrement pas quitté sa retraite pour rien, ait mis tout son art à persuader ou à séduire l’empereur Alexandre, à le réconcilier avec la politique de l’Allemagne, à désarmer les défiances de la Russie, on n’en peut douter. Il a dû renouveler avec des redoublemens d’éloquence la tentative qu’il a déjà faite il y a deux ans ; mais comme il y a deux ans, peut-être encore plus qu’il y a deux ans, il y a une chose que le chancelier, avec toute son habileté, ne peut changer : c’est la situation qu’il a créée par sa politique, par ses combinaisons, qui a fait à la Russie une obligation de se retrancher dans son système d’observation et d’attente, dans sa vigilance et dans sa force. Ce n’est pas seu-