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quelques-unes. Je voudrais seulement que son dessein fût quelquefois encore plus net, que les grandes lignes en fussent plus faciles à saisir, et surtout, que son style, moins monotone, moins froid, moins triste, fût moins constamment le style de la dissertation. Un plus sévère lui reprocherait peut-être que, s’étant beaucoup servi du Tableau de la littérature française sous le premier Empire, de M. Gustave Merlet, et des Études littéraires sur le XIXe siècle, de M. Emile Faguet, il ne l’a pas assez dit. Et un plus érudit ajouterait que, dans un sujet qui n’est pas uniquement français, mais européen, il semble avoir oublié de consulter le livre de M. George Brandes sur les Grands courans de la littérature européenne au XIXe siècle.


I

Sur la première question : « Comment le Classicisme a-t-il péri ? M. George Pellissier a été bref. Il pouvait l’être ; et nous le serons encore plus que lui. Le Classicisme est mort non pas, à proprement parler, de vieillesse ou d’épuisement, pour avoir vécu deux cent cinquante ans, — de Ronsard à André Chénier ; — ni même pour avoir cessé de répondre à l’état des esprits, puisque après tout, ni Pascal ni Bossuet ni Molière ni Racine ne sont encore morts, mais plutôt pour s’être de lui-même immobilisé dans ses règles, et comme ankylosé, si je puis ainsi dire, dans la rigide étroitesse de ses propres principes.

Ce n’est pas à Boileau que je songe en écrivant ceci, ce n’est pas à Voltaire ou à son fidèle La Harpe, c’est à quelques-uns de ceux dont on fait quelquefois encore les « précurseurs du Romantisme, » André Chénier lui-même, pour son Epitre à Lebrun, pour son poème de l’Invention, ou Népomucène Lemercier, pour son Cours analytique de littérature. Dans le premier volume de ce livre trop peu connu, si curieux cependant et si caractéristique, Lemercier, l’auteur applaudi d’Agamemnon, la dernière des tragédies classiques, s’efforçait de déterminer les règles du genre tragique. Il en trouvait exactement vingt-cinq, dont la première était de « la Qualité du Fait, » la vingt-cinquième de « la Symétrie théâtrale ; » et, pour montrer évidemment que la beauté des œuvres dépendait de l’observation des règles, il en faisait l’application à l’Athalie de Racine, dont la m’perfection complète » prouvait ainsi méthodiquement la « perfection incontestable. » Le Cours analytique de littérature, professé à l’Athénée en 1810 et 1811, parut en 1817. Notez d’ailleurs que les observations justes y abondent ; que Lemercier connaît son métier ; qu’il est de toutes manières fort au-dessus de La Harpe. Il donne seulement dans la grande erreur que le classicisme a commise dès son origine, — dès le temps de la Défense et Illustration de