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de 1,690 millions de francs, fonctionnent dans la République Argentine. Autorisées, par la loi de 3 novembre 1887, à émettre du papier-monnaie sous la condition expresse de déposer dans la trésorerie nationale des titres de rente publique pour une somme égale à l’émission qu’elles entendent faire, elles ont puissamment contribué à favoriser, avec la circulation fiduciaire, renchérissement des denrées, l’augmentation du prix de la terre et la spéculation, qui s’est traduite par la création de sociétés de tout genre opérant sur un capital nécessairement fictif qui, atteignant déjà 1 milliard de francs, peut, à un moment donné, constituer un danger pour le pays.

En revanche, elles ont imprimé à l’agriculture, et à l’élevage la puissante impulsion que révèle et qu’atteste l’exposition de la République Argentine : nulle échantillons de blé, cinq cents de maïs, provenant de 2,359,918 hectares mis en culture, à peine 1 pour 100 de la superficie du sol, et l’exportation de la farine qui n’était, en 1871, que de 16,000 kilogrammes, dépasse 6,500,000 en 1888. Puis les laines, dont on exportait, en 1878, 82 millions de kilogrammes, aujourd’hui 1,137 millions ; les cuirs et les peaux ; 23 millions de bêtes à cornes, 70 millions de moutons, 4 millions 500,000 chevaux, représentant ensemble une valeur approximative de 1,850 millions de francs. Ici des centaines d’échantillons de bois de toutes essences ; là des viandes congelées dont le commerce s’accroît régulièrement ; puis, dominant le tout, un excellent matériel d’enseignement primaire, les photographies de 438 écoles affectées à 254,608 élèves attestent, non moins que la large part qui lui est faite dans le budget, l’intelligente sollicitude de l’état pour la diffusion des lumières.

Devant cette accumulation de matières premières, on demeure confondu en songeant combien peu de temps il a fallu pour mettre en valeur le sol qui les produit. On comprend alors les hautes ambitions, on s’explique l’audace d’une nation qui, en peu d’années, a obtenu de pareils résultats. Ni tâtonnemens, ni défaillances dans ces hardis débuts, éclairée par l’expérience de l’Europe, employant du premier coup les procédés les plus scientifiques et les machines les plus perfectionnées, ouvrant largement ses portes et sa nationalité aux émigrans, faisant appel aux capitaux du monde entier, leur inspirant la confiance qu’elle-même éprouvait, la République Argentine a franchi, semble-t-il, la période la plus difficile de la vie des nations. Si, à l’audace, qui lui a merveilleusement réussi, elle sait allier la prudence et le sang-froid, nul doute que l’avenir qui l’attend ne justifie ses vastes espérances.

Entre le Chili, tel que nous le vîmes il y a des années, et le Chili tel qu’il apparaît à l’Exposition, la différence est grande S’il a donné raison à nos pronostics de suprématie militaire et morale,