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éligibles et la législation locale s’inspirait de leurs désirs, reflétait leurs volontés. Aujourd’hui, encore, il en est de même, et si, dans certains états suffisamment peuplés, civilisés et policés, les lois, plus rigoureuses, sont aussi mieux observées ; dans d’autres, et surtout dans les nouveaux états de l’Ouest, elles sont encore à l’état rudimentaire, simples et en petit nombre.

De la multiplicité et de la variété des lois relatives au mariage il est forcément résulté ceci : que, les conditions requises pour contracter une union ou obtenir un divorce étant autres dans un état que dans l’état limitrophe, une union contractée à New-York a pu être rompue par un décret de divorce rendu dans le Connecticut, où le mari avait fait élection de domicile. Ceci aussi : qu’un homme ayant cohabité quelques jours avec sa maîtresse dans un état, puis ayant rompu toutes relations avec elle et s’étant légalement marié plus tard, s’est vu condamner comme bigame, le seul fait d’avoir cohabité avec une femme non mariée constituant, dans cet état, une union légale. Dans le premier cas, la femme a réussi à faire annuler le décret de divorce par la cour de New-York, mais en ce qui concerne l’état de New-York. Le mari n’en est pas moins légalement divorcé dans le Connecticut » Il pont donc s’y remarier ; et, plus tard, faire annuler dans un autre état ce second mariage et en contracter un troisième. Suivant l’état où il se trouverait, il serait légalement l’époux d’une femme dont un autre étal l’aurait séparé à sa requête.


II

A quelle époque Mrs Amelia Steel devint-elle Mrs Gall ? Voilà, semble-t-il, une question bizarre et à laquelle Mrs Amelia Steel devrait être mieux à même que personne de répondre. Et cependant elle n’en sait rien et les pièces du procès n’éclaircissent guère l’affaire. Mrs Amelia Steel entra au service de M. Joseph Gall, riche opticien, après la mort de la femme de ce dernier, fille tenait sa maison, devint sa maîtresse, et le rendit père d’un enfant. M. Gall avait déjà un fils légitime parvenu à l’âge d’homme ; sur les remontrances de ce dernier, il se sépara de Mrs Amelia Steel et l’installa à Brooklyn, où elle était connue sous le nom de Mrs Gall. En 1886, au moment même où elle accouchait d’un second fils, M. Gall mourait ; et, sur les conseils de son avocat, la pseudo-veuve réclama, dans l’héritage du défunt, la part que la loi reconnaît à l’épouse légitime. De mariage, il n’est pas question, et Mrs Amelia Steel n’en allègue aucun. Examen fait, la cour de King’s County a décidé, cependant, que Mrs Steel était devenue Mrs Gall entre 1883 et 1886, à une époque qu’elle ne précise pas