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reine venait à être l’occasion de mouvemens extérieurs, qui ne seraient pas sans péril pour la Serbie, peut-être pour sa dynastie elle-même. Ce n’est là encore toutefois qu’un incident destiné à rester nécessairement limité tant que les influences étrangères ne se mettent pas directement et ouvertement de la partie, tant que les puissances les plus intéressées à ces affaires des Balkans s’en tiennent à une politique d’observation et d’attente, qui, à la vérité, ne décidera rien, qui laisse, au contraire, en suspens la paix de l’Orient et de l’Occident.

C’est la politique du provisoire et du perpétuel qui-vive. On finit après tout par s’y accoutumer, par vivre tant bien que mal avec cette paix au jour le jour si singulièrement protégée par des millions d’hommes qui s’observent sous les armes. Les choses ne suivent pas moins leur cours ; tous les pays n’ont pas moins leurs affaires, leurs travaux et leurs problèmes. Récemment encore l’empereur François-Joseph présidait aux manœuvres de son armée en Galicie, en Hongrie ; il faisait en définitive ce qu’on fait partout, en Allemagne, comme en France, comme en Russie. L’Autriche, qui exerce son armée et tient sa frontière si bien garnie parce qu’elle est une des puissances les plus engagées dans les affaires de l’Orient et de l’Occident, l’Autriche a cependant bien d’autres difficultés dont elle est obligée de tenir compte. Elle a ses peuples de race diverse, ses nationalités multiples à concilier dans l’empire ; elle a aujourd’hui cette question de la Bohême qui devient plus pressante, qui entre depuis quelque temps dans une phase nouvelle. Il y a moins d’un quart de siècle que le mouvement national a commencé à se dessiner en Bohême sous la direction d’un vieux patriote, M. Rieger. Il s’est développé avec une rapidité et une énergie croissantes, si bien qu’aux dernières élections de la diète de Prague, il y a quelques mois à peine, les premiers promoteurs du mouvement, les vieux Tchèques, ont été dépassés par un parti nouveau, les jeunes Tchèques, qui ont eu de nombreux succès de scrutin par l’ardeur impatiente de leurs revendications nationales et de leurs idées libérales. C’est là le fait. Le ministère de Vienne, dont le chef, le comte Taaffe, se propose justement la conciliation des nationalités, n’a pas vu évidemment sans quelque inquiétude ce progrès des jeunes Tchèques dont l’intervention pouvait troubler sa politique et affaiblir sa position dans le parlement autrichien. Loin de se raidir cependant et de se retrancher dans une résistance absolue, le comte Taaffe s’est préoccupé de chercher quelque transaction nouvelle, quelque moyen d’apaiser les sentimens tchèques, et un de ses actes les plus récens a été la nomination du comte Thun-Hohenstein au poste de gouverneur de la Bohême. Sans être un ami ni un allié des jeunes Tchèques, le comte Thun est un nationaliste qui, par ses opinions, sa position et ses relations de famille, est fermement attaché à la cause de son pays. Sa