Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 95.djvu/712

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 septembre.

Eh bien, c’est fait ! Ce scrutin si impatiemment attendu, si étrangement préparé, a dit son secret, sinon son dernier mot, qui reste réservé au scrutin complémentaire de dimanche prochain. Il était bien temps que la tragi-comédie électorale arrivât au dénoûment ; à ce régime de manifestes, de prédications effrénées, de réunions bruyantes, de charlatanisme, ce malheureux peuple français ahuri, assiégé d’influences et de pressions, troublé et abusé, aurait uni par ne plus savoir où il sn était, ce qu’on voulait de lui. Il ne le sait peut-être pas bien encore ; mais il a voté, et tandis qu’il va rentrer dans son repos, dans son travail de tous les jours, les oracles de la politique en sont maintenant à leurs interprétations, à leurs calculs et à leurs pronostics, qui ne sont pas naturellement les mêmes dans tous les camps. C’est l’histoire invariable. Le combat est fini ou à peu près ; on peut du moins en saisir les traits généraux, et comme après tous les combats, il ne reste plus qu’à compter ce qu’on a perdu et ce qu’on a gagné, à savoir aussi quelles lumières se dégagent de cette mêlée violente, de ce vote populaire, qui, selon qu’on en décidera, peut n’être que la continuation de l’anarchie d’hier ou devenir le commencement d’une situation nouvelle.

Assurément les obscurités et les équivoques ne manquent pas dans ce scrutin, qui peut prêter, si l’on veut, à toutes les interprétations de fantaisie, à tous les calculs intéressés. A l’étudier et à le scruter de près, sans parti-pris, il n’est pas cependant si dénué de sens et de clarté. Il est ce qu’il pouvait être dans les conditions où s’est engagée une lutte malheureusement dénaturée d’avance par toutes les passions. C’est le vote d’un pays tiraillé, plein de perplexités, qui se défend comme il peut, qui craint visiblement les révolutions nouvelles d’institutions, les aventures qu’on lui propose, et qui, en même temps,