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UN
PLAIDOYER ANGLAIS
CONTRE LE PESSIMISME

Dans la plupart des discussions sur l’optimisme et le pessimisme, les disputans posent en principe qu’il faut épouser un de ces deux systèmes, qu’il n’y a pas d’autre alternative, que quiconque n’est pas pessimiste est nécessairement optimiste. Le plus grand nombre des grands philosophes n’ont été pourtant ni l’un ni l’autre. Celui d’entre eux qui a prétendu que tout ce qui est réel est rationnel n’a pas entendu dire pour cela que la raison, suprême ordonnatrice de cet univers, se croie tenue de donner toujours des fêtes au genre humain. Comme la philosophie, la sagesse des simples, avec laquelle il faut compter, se défie des partis extrêmes, elle a du goût pour l’entre-deux, pour les solutions mitoyennes. Elle a décidé depuis longtemps que le souverain mal est une chimère autant que le souverain bien, que, si la vie est un mal, ce mal est supportable, que, si la vie est un bien, ce bien est très imparfait, qu’il n’est dans la nature point de métal sans alliage ni de sentimens sans mélange, qu’au surplus la façon dont les choses nous affectent dépend le plus souvent de l’opinion que nous nous en faisons, que nous mettons du nôtre dans nos souffrances comme dans nos joies, qu’il y a une part d’illusion dans le malheur comme dans le bonheur, que tout dans ce monde est incomplet, même le chagrin.

On peut disputer sur tout ; mais ce qui complique beaucoup les discussions, c’est qu’on ne s’entend pas toujours sur le sens des mots ou qu’on ne se donne pas la peine de les définir. A proprement parler, l’optimisme est un système fondé sur le principe que le monde réel est le meilleur des mondes possibles. « Dieu, disait Leibniz, n’est