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intérêt suffit à lui conseiller le bien. Les administrateurs qui se réunissent autour d’un tapis vert, dans une salle parisienne, pour toucher des dividendes et donner des ordres à un gérant, sont certainement pétris de bonnes intentions ; mais l’ouvrier est pour eux une unité de travail abstraite, ils ne sauraient nourrir la préoccupation incessante de son bien-être.

La section suivante est réservée aux institutions de mutualité : sociétés de crédit et de secours mutuels, syndicats professionnels, sociétés coopératives de consommation et de production. Ici le monde ouvrier est livré à ses propres forces, et malheureusement elles ne semblent pas avoir beaucoup d’efficacité. Seules, les sociétés de secours mutuels sont florissantes et très répandues. Le crédit mutuel n’a pas encore poussé de racines chez nous, saut dans les associations d’épargne et de prévoyance ; mais il est abusif de les ranger sous cette dénomination. Quant aux sociétés coopératives, on se rappelle les espérances qu’elles éveillèrent, il y a vingt-cinq ans : la question sociale paraissait résolue. Elles n’ont pas justifié notre attente. Bien acclimatées sur quelques points, en particulier dans la région du Nord, les sociétés de consommation ont peine à s’implanter ailleurs ; les sociétés de production qui ne liquident pas en déficit après peu de temps sont des phénomènes rares. Le type le mieux approprié aux besoins et à l’humeur de la classe ouvrière paraît être l’institution fondée et soutenue par le patron, mais d’où celui-ci s’efface discrètement pour laisser la gestion aux intéressés.

La participation aux bénéfices a les honneurs d’un pavillon spécial, où elle mène grand bruit. On regrette de la décourager, mais il faut bien avouer qu’à part trois ou quatre types d’industries en participation, qui mériteraient d’être discutées, cette enseigne n’est qu’un leurre ; elle déguise des augmentations de salaires. D’ailleurs qu’est-ce qu’une participation aux bénéfices sans participation aux pertes ? Il n’y a d’association réelle qu’à la condition de courir les mauvaises chances comme les bonnes. Ne soyons pas trop sévères, néanmoins, pour ce mot cabalistique ; les patrons affirment dans leurs dépositions que son effet moral est considérable. Un des principaux couvreurs de Paris, qui avait à se plaindre de fréquens vols de plomb, constate que les détournemens ont cessé depuis que ses ouvriers sont participans ; ils respectent ce qu’ils estiment leur bien commun. — Un autre pavillon reproduit l’aménagement des principaux cercles populaires. Jusqu’à présent, les classes laborieuses n’ont guère récompensé les efforts que l’on fait pour les attirer dans ces lieux de réunion. Le cercle Franklin, au Havre, est l’un des mieux installés ; je n’ose affirmer qu’il