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acquise à la seule action du foyer central ; mais on conçoit aussi l’existence longtemps prolongée, immense sans doute en la supputant par myriades d’années, qui dut s’écouler entre les premières contractions de la masse solaire, déjà lumineuse et parfaitement sphérique, et l’âge où cette masse, sensiblement rapprochée de sa dimension actuelle, décidément impuissante à déverser des radiations assez vives pour neutraliser les effets de leur obliquité vers les pôles, fit apparaître les saisons, d’abord très faiblement accusées, mais ensuite et graduellement plus accentuées, livrant les pôles à l’envahissement du froid.

D’accord avec la théorie astronomique et lui prêtant l’appui de ses notions, la géologie est là pour attester que les saisons ne se prononcèrent en effet, et que les alentours du pôle ne se refroidirent réellement que vers la fin des temps secondaires, que ce mouvement fut très lent à s’accentuer et qu’encore dans le cours du premier tiers de la période tertiaire, une riche végétation forestière, analogue à celle des parties boisées de la zone tempérée actuelle, s’avançait soit dans la direction du Groenland, soit du côté du Spitzberg, jusqu’aux approches du 80e degré de latitude nord. À cette époque cependant, la neige devait avoir fait, depuis longtemps, son apparition dans les régions circumpolaires ; déjà, sans doute, elle avait couvert la cime des plus hautes montagnes, sinon formé des glaciers jusqu’au pied de certaines vallées. Si l’Europe d’alors, celle qu’une vaste mer coupait par le milieu, avec ses palmiers, ses lauriers, ses canneliers, ses chênes verts et sa température subtropicale, avait aussi des neiges et de la glace permanentes, ce qu’il est possible de conjecturer, mais non de connaître positivement, ce ne pouvait être que sur le sommet des chaînes les plus élevées, et nous ignorons les proportions de celles qui pouvaient exister à cette époque. Il semble qu’il y ait eu à cet égard une sorte de gradation et que la date d’érection des plus hautes chaînes, de celles au moins qui dominent actuellement le continent européen, soit relativement récente. C’est certain en ce qui touche les Alpes. La mer éocène, celle du Flysch qui termine cette période, ont laissé des vestiges de leurs dépôts bouleversés jusque sur la crête des montagnes alpines, dont le soulèvement est postérieur, postérieur même au retrait de la mer mollassique. En s’opérant, cette érection gigantesque a accumulé des masses prodigieuses de matériaux charriés et remaniés par les eaux, et dont le Righi paraît entièrement formé. Alors seulement, c’est-à-dire dans le cours du pliocène, put se manifester le phénomène glaciaire proprement dit, celui du moins qui eut les Alpes pour théâtre et qui précéda de très peu la venue en Europe de la race humaine. De là en particulier le glacier de la vallée du Rhône