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effrayant est cependant notoirement inférieur à celui qu’adoptent la plupart des géologues, lorsque, supputant ce qu’il a fallu de temps pour le dépôt des couches accumulées, depuis que la vie existe sur le globe, ils réclament une vingtaine de millions d’années, en adoptant les calculs les plus modérés[1]. M. Faye n’a pas manqué de faire ressortir, dans son livre, l’existence d’une contradiction frappante entre les données de l’astronomie, admettant avec Laplace l’émission successive des planètes sorties de la masse solaire, et les exigences de la géologie et de la biologie. Il est vrai que le docteur Blandet, tout en retenant l’hypothèse de Laplace, avait essayé de l’interpréter de telle façon qu’elle pût s’adapter à l’explication de l’histoire de la vie sur le globe : il supposait un accroissement du diamètre apparent du disque solaire, assez considérable aux époques primaire et secondaire pour annuler les effets de l’obliquité de l’axe terrestre, en projetant sur les pôles une illumination permanente. Le globe du soleil, encore loin de sa contraction actuelle, aurait alors coïncidé avec l’orbite de la planète Vénus. M. Faye affirme cependant que, dans le système de Laplace, l’atmosphère raréfiée de l’astre central aurait seule occupé, avant sa contraction finale, les régions où se tiennent les planètes inférieures, tandis que sa photosphère, seule partie de l’astre qui dispense la chaleur et la lumière, n’aurait présenté, aux époques marquées par le docteur Blandet, qu’un diamètre apparent triple tout au plus de ce qu’il est maintenant, et non pas quatre-vingt-six fois plus grand qu’aujourd’hui, comme il aurait fallu pouvoir le supposer. Mais si, malgré ses côtés faibles, l’hypothèse du docteur Blandet reçut un accueil favorable de la part de beaucoup de géologues, au nombre desquels MM. d’Archiac et de Lapparent tiennent le premier rang, combien à plus lorto raison la théorio de M. Faye ne se recommande-t-elle pas à l’adhésion de ceux à qui est familier le passé de la terre, tellement elle rend raison des scènes dont celle-ci fut autrefois le théâtre.

L’éminent astronome conçoit le lambeau chaotique, d’où notre monde serait sorti, comme à peu près rond et homogène à l’origine, ayant une partie de ses élémens affectés d’un faible et lent mouvement tourbillonnaire ou giratoire, dans un milieu d’une densité à peine sensible. De ces premiers mouvemens ou girations étendus et régularisés, il fait naître des anneaux qui tournent, dans un sens déterminé, autour d’un centre vide encore et pour longtemps de l’astre qui devra plus tard s’y placer. Puis, dans chacun

  1. Traité de géologie, par A. de Lapparent, p. 1255.