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il consentit à écouter plus souvent et de plus près les mécontens, et se laissa à la fin si bien persuader par eux que, le 5 mars 1815, une ordonnance royale rendue sur sa proposition venait pleinement leur donner gain de cause.

Aux termes de cette ordonnance, la quatrième classe de l’Institut était supprimée, l’ancienne Académie royale de peinture et de sculpture rétablie, ainsi que l’ancienne Académie d’architecture. Elles devaient l’une et l’autre être régies par les règlemens en vigueur avant la Révolution, et si les trois autres classes de l’Institut demeuraient, au moins quant à présent, maintenues, c’était à la condition de reprendre chacune leur nom d’académie et de subir dans le personnel des changemens considérables. On le voit, le coup porté à la quatrième classe atteignait aussi le corps tout entier ; mais il ne faisait encore que l’ébranler sans l’abattre, tandis que la partie qu’il séparait de l’ensemble perdait immédiatement par cela même sa raison d’être et son caractère propre. Condamnée à se fondre dans l’Académie royale reconstituée, la classe des beaux-arts n’allait plus être qu’un groupe d’artistes associés à d’autres en nombre illimité, vivant avec eux d’une vie banale, dans une sorte de promiscuité d’autant moins profitable à leur dignité que l’inégalité entre les talens serait plus grande et l’égalité des droits plus hasardeusement consacrée.

La décision officielle prise à ce sujet devait heureusement rester lettre morte. Quinze jours après celui où l’ordonnance royale avait été signée, c’est-à-dire avant qu’on eût eu le temps de l’insérer au Bulletin des lois et même de la notifier à l’Institut, le gouvernement de la première restauration s’effondrait et Napoléon reprenait possession du trône. Le Barbier et les siens en étaient donc pour les Irais de leur victoire théorique, les membres de l’Institut pour leurs craintes passées et pour leur défaite d’un moment : car il paraissait peu probable que Napoléon ratifiât une mesure en contradiction aussi formelle avec ce qu’il avait lui-même autrefois établi et organisé. Il n’eut garde d’y adhérer en effet. Dès le 24 mars 1815, presque au lendemain par conséquent de sa réinstallation aux Tuileries, il annulait l’acte de son prédécesseur et, le même jour, le nouveau ministre de l’intérieur, Carnot, écrivait au président de l’Institut pour l’informer que « l’ordonnance du ô mars devait être considérée comme non avenue. »

Convenait-il néanmoins de ne rien faire de plus ? Suffisait-il de proclamer le maintien, sans modifications d’aucune sorte, de l’organisation établie douze ans auparavant, et, jusque dans le sein de l’Institut, ne reconnaissait-on pas l’opportunité, la nécessité même de certaines réformes ? On a vu qu’à deux reprises déjà, en 1809 et en 1814, les membres de la classe des beaux-arts avaient