Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 95.djvu/62

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donc nettement. D’un côté, les représentans de l’ancien régime académique, désavoués et repousses par ceux-là mêmes qu’ils avaient voulu attirer, en étaient réduits, pour essayer d’arriver à leurs lins, à ne plus compter que sur leurs forces personnelles et sur la faveur, encore problématique, il est vrai, mais cependant assez probable, d’un pouvoir politique naturellement peu enclin à prendre la défense des institutions d’origine révolutionnaire. De l’autre côté, les artistes membres de l’Institut, si bien disposés qu’ils fussent à accepter une augmentation du nombre des places attribuées à leur classe, n’en étaient pas moins résolus à ne rien céder de leurs prérogatives essentielles et à soutenir jusqu’au bout une cause intéressant, autant que leur existence propre, celle du corps tout entier auquel ils appartenaient. Sauf la différence des personnages et des temps, il y avait dans cet antagonisme des deux groupes quelque chose d’analogue à la lutte engagée, plus d’un siècle et demi auparavant, entre les confrères de Le Brun à l’Académie royale de peinture et les membres de l’ancienne corporation des maîtres-jurés dépossédés de leurs privilèges par la nouvelle Compagnie. Ceux-ci, toutefois, avaient eu dans la personne de Pierre Mignard un chef en mesure, par l’importance que lui donnaient ses talens, de le prendre de haut avec ses adversaires et, par les instincts de son caractère agressif, en humeur de mener hardiment la campagne. La hardiesse dans l’attaque n’était pas, au contraire, non plus que l’éclat de la renommée, le propre de l’homme que les assaillans de 1814 avaient mis à leur tête. Peintre médiocre dont on ne connaît plus guère aujourd’hui que ces « modèles de dessin » copiés depuis le commencement du siècle dans les lycées et dans les maisons d’éducation de tout ordre avec un ennui que chacun de nous se rappelle, vieillard de mœurs douces et d’habitudes fort étrangères jusqu’alors à la polémique, Le Barbier avait été choisi, faute de mieux, pour couvrir de son nom et pour justifier en apparence les aventures que de plus remuant ou de plus ambitieux se proposaient de tenter à côté de lui.

Les choses suivirent leur cours en conséquence. Tandis qu’après l’insuccès de sa lettre, Le Barbier semblait à peu près renoncer au combat, et que déjà peut-être il songeait à part lui à se réconcilier avec cet Institut qui pourrait un jour lui ouvrir ses rangs, et où il devait, en effet, entrer quelques mois plus tard, ses lieutenans poursuivaient plus activement que jamais les hostilités. Ils redoublaient d’instances auprès du ministre de l’intérieur pour qu’il se déclarât en faveur d’une réforme dont il avait, nous l’avons dit, accueilli d’abord le projet avec une certaine bienveillance, mais en ajournant toute décision personnelle sur le fond même de la question. Peu à peu, l’abbé de Montesquiou se départit de sa réserve ;