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années qui venaient de s’écouler depuis la fondation de l’Institut, les survivans de l’Académie royale de peinture auxquels la classe des beaux-arts n’avait pas ouvert ses rangs s’étaient bien gardés d’exprimer trop haut leurs regrets, à plus forte raison de faire acte d’opposition ouverte. L’époque ne permettait guère les essais de résistance, quels qu’ils fussent, et le gouvernement impérial, en particulier, se serait mal accommodé, dans le domaine de l’art comme ailleurs, d’actes ou de plaidoyers en faveur de l’ancien régime ; mais, dès que la royauté eut été restaurée en France, les artistes victimes, ou soi-disant tels, des violences révolutionnaires continuées à leur avis sous l’empire, jugèrent le moment venu de revendiquer des droits liés, suivant eux, aux intérêts mêmes et à la dignité du trône. Un de ces académiciens hors d’emploi depuis que l’Institut avait remplacé les académies supprimées par la Convention, le sculpteur Deseine[1], n’hésita pas à se faire publiquement l’interprète des ambitions jusque-là refoulées de ses anciens confrères et de leurs espérances actuelles. Dans un volume publié en 1814 sous ce titre : Notices historiques sur les anciennes académies royales de peinture, de sculpture et d’architecture, il formulait en termes très vifs leurs griefs et surtout les siens ; il dressait un véritable réquisitoire contre le personnel de la quatrième classe, « divisant tout, disait-il, pour gouverner despotiquement, » aussi bien que contre l’institution elle-même, sans aucune raison d’être, selon lui ; et il concluait en signalant le rétablissement pur et simple de l’ancienne Académie royale comme l’unique moyen, pour le gouvernement, « d’encourager et de récompenser le mérite. »

A côté de Deseine pourtant d’autres membres de l’ancienne Académie étaient loin d’afficher le même radicalisme. Tout aussi mécontens au fond de l’état présent des choses, tout aussi désireux en principe d’un changement, mais plus concilians ou mieux avisés dans la pratique, ils se fussent arrangés sans difficulté d’une réforme qui, en augmentant le nombre des privilégiés, eût à peu près supprimé à leurs yeux les inconvéniens du privilège, par cela même qu’ils eussent pu, le cas échéant, en profiter. De là les propositions, beaucoup moins agressives que les prétentions exprimées par Deseine, qu’ils crurent devoir soumettre aux représentai du pouvoir et les négociations dans lesquelles ils essayèrent d’entrer avec les membres de l’Institut eux-mêmes.

  1. Cet artiste, d’un talent fort secondaire d’ailleurs, est l’auteur, entre autres ouvrages de sculpture, du groupe représentant la Mise au tombeau dans la chapelle dite du Calvaire, au fond de l’église de Saint- Roch, à Paris, et des statues de L’Hôpital et de D’Aauesseau, placées au bas de l’escalier extérieur du Corps législatif. Deseine avait été nommé membre de l’Académie royale de peinture le 26 mars 1791, c’est-à-dire dans la dernière séance tenue par l’Académie pour une élection.