Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 95.djvu/560

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Chavannes, Alexandre Dumas, Jules Ferry par M. Bonnat, les triomphantes et vives images de Mme la comtesse de V.., de Mlle Carolus Duran, de M. Français par M. Carolus Duran, les graves et expressifs visages de Mme Karakehia et du Portrait de mon frère par M. Henner, les physionomies honnêtes et intelligentes de M. et Mme Edwin Edwatrds par M. Fantin-Latour.

Dans la génération contemporaine, celle dont les plus âgés ont commencé de se montrer entre 1870 et 1878 et dont les plus jeunes se sont révélés depuis dix ans, les bons portraitistes sont nombreux aussi ; mais ils ne prennent plus, en général, leur point de départ, comme les précédens, dans quelque maître de la pleine renaissance ou du XVIIe siècle. L’exemple de Bastien-Lepage (1848-1884) qui, avec son instinct juste et net de campagnard indépendant, s’inspira résolument de la candeur hardie et avisée des primitifs flamands et français pour retrouver les complications minutieuses du visage humain dans son milieu habituel, n’a pas été perdu pour ses camarades. La valeur absolue et suggestive de ses portraits, si subtilement analysés, est confirmée par l’exposition actuelle. On ne saurait faire mieux, on n’a pas fait mieux, dans ce genre, depuis Clouet et Holbein, que les portraits de M. Emile Bastien Lepage, de M. André Theuriet, de Mme Sarah Bernhardt, de Mme Juliette Drouet. Il y aurait plus de restrictions à faire sur la façon dont il comprenait les figures rustiques en plein air, bien qu’il ait apporté, là aussi, une acuité énergique de vision et un sentiment hardi de la vérité dont plus d’un a profité. Il n’avait pas encore trouvé, comme on peut s’en assurer par les Foins, les Ramasseuses de pommes de terre, la Jeanne d’Arc écoutant des voix, le point juste où commence la nécessité de simplifier le détail et de désencombrer les entours des personnages, non plus que la juste proportion à établir entre l’ampleur du faire et l’ampleur des dimensions. Il n’est pas douteux que, s’il eût vécu, ce travailleur sagace et obstiné, enlevé à l’âge où beaucoup des meilleurs tâtonnent encore, n’eût transporté, dans ses études rustiques, la sûreté avec laquelle il conduisait ses portraits. Son influence, jointe à celle de Manet, qu’elle complète et corrige par un soin rigoureux de la précision linéaire et plastique, et par une sincérité d’observation constamment grave et délicate, exerce incontestablement, à l’heure actuelle, l’action la plus sérieuse sur les jeunes naturalistes. Pour ne citer que les deux triomphateurs du Salon dernier, MM. Dagnan-Bouveret et M. Friant ne sont-ils pas tous deux des émules, plus ou moins directs, de Bastien-Lepage ? M. Dagnan, sans doute, a des origines assez compliquées ; c’est un esprit studieux qui s’est formé par des études multiples et des tentatives variées. Plus