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concours de Rome. Lorsque, l’année suivante, Louis XVIII vient de quitter les Tuileries et que Napoléon s’y est réinstallé, elle semble n’avoir d’autre souci que celui de se renseigner par les lectures qui lui sont faites sur les caractères particuliers de certains monumens de l’architecture arabe en Espagne, sur la valeur des antiquités découvertes à Brindes, sur plusieurs autres questions du même ordre. À peine quelques lettres ministérielles successivement écrites, tantôt au nom du gouvernement du roi pour demander avis à la Compagnie sur les moyens de réédifier dans les meilleures conditions la statue équestre d’Henri IV, tantôt au nom du gouvernement impérial pour accorder l’exemption du service militaire à une dizaine de jeunes artistes « distingués par leurs efforts et par leurs succès » et recommandés à ce titre par la classe, — à peine quelques autres communications relatives, suivant les circonstances, au passé de la monarchie légitime ou aux actes présens de la dictature, viennent-elles interrompre le cours régulier et méthodique des occupations auxquelles la Compagnie, en 1814 et en 1815, entend exclusivement se livrer.

Était-ce donc, chez les membres de la classe des beaux-arts, indifférence ou crainte de se compromettre ? On serait au contraire autorisé à dire qu’ils faisaient par la preuve de dignité. Sous le coup de malheurs publics qu’il n’avait certes pas dépendu d’eux de conjurer, comme sous la menace des événemens qui allaient suivre, à l’époque de la première invasion comme au lendemain du retour de l’île d’Elbe ou à la veille de Waterloo, ils eurent au moins ce mérite de rester strictement fidèles à leur rôle et de se renfermer, avec une persévérance qui n’était pas sans fierté, dans la pratique de leurs devoirs spéciaux.

Une exception pourtant est à noter dans ces témoignages unanimes de constance patriotique et d’assiduité. Tant que dure la première Restauration, le nom de David ne figure pas une fois sur la liste des membres présens aux séances hebdomadaires ; il ne reparait dans les procès-verbaux de ces séances que le 25 mars 1815, c’est-à-dire aussitôt que Napoléon s’est ressaisi du pouvoir et que l’ancien premier peintre de l’empereur a pu, de son côté, se croire en mesure de recouvrer de haute lutte le crédit qu’il avait perdu.

Les confrères de David, en effet, malgré l’admiration qu’ils continuaient de professer pour son talent, étaient, depuis assez longtemps déjà, fort loin de nourrir des sentimens d’affection, d’estime même pour sa personne. Ils lui en voulaient à bon droit de l’orgueilleuse violence avec laquelle il prétendait, en toute occasion, peser sur leurs décisions ou condamner celles-ci après coup ; du bruyant dépit, par exemple, que lui avait causé la préférence