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de Chavannes qui se contente de rappeler dans le catalogue ses grands travaux de Lyon, Amiens et Paris. Quatre seulement, MM. Bouguereau, Henner, Carolus Duran, Jules Lefebvre, se livrent à l’étude du nu et conservent encore, pour la beauté des formes, quelque reste de l’ardeur qui était la passion dominante des écoles classiques. L’Andromède et l’Eveil de M. Carolus Duran, l’Andromède, la Femme qui lit, le Saint Sébastien par M. Henner, ne sont que des figures isolées, des prétextes pour le premier à faire vibrer le jeu de ses tous éclatans, pour le second à enchanter le regard par l’harmonie subtile et douce de ses pâleurs mystérieuses. La Jeunesse de Bacchus par M. Bouguereau et la Diane surprise de M. Lefebvre sont des compositions, dans le vrai sens du mot, supposant une somme d’études, d’expérience, de talent, très supérieure à celle qu’on a l’habitude de dépenser aujourd’hui pour couvrir des toiles de cette taille. Qu’on puisse imaginer des bacchantes plus sanguines, mieux musclées, moins doucereuses que celles de M. Bouguereau, des nymphes plus ardentes et plus nerveuses que celles de M. Jules Lefebvre, cela va sans dire ; mais nous voudrions aussi bien savoir où l’on trouverait, à l’heure présente, en France ou à l’étranger, des dessinateurs aussi habiles ou aussi consciencieux de la forme humaine. M. Jules Lefebvre étudie la beauté féminine avec un respect et une délicatesse qui deviennent de plus en plus rares. Sa Psyché est un morceau d’une grâce et d’une candeur extrêmes. Il apporte, dans ses portraits, à défaut de la touche brutale ou sommaire à la mode aujourd’hui, un scrupule d’exactitude, une obstination d’analyse, une finesse d’exécution, qui en assureront la durée. Nous savons, par l’exposition rétrospective, combien les modes changeantes de l’exécution importent peu à la postérité, et que toutes les peintures sont bonnes qui disent bien ce qu’elles veulent dire en un bon langage de dessin ou de couleur. Le Portrait de miss Lawrence et celui du Centenaire Pelpel, l’un par son exquise et printanière harmonie de dessin, de couleur, d’expression, l’autre par la fermeté de l’accent, seront toujours des œuvres hors ligne. C’est, du reste, dans le portrait qu’excelle tout ce groupe. Nous avons déjà dit quel rang y tient M. Delaunay ; MM. Bonnat, Carolus Duran, Henner, Paul Dubois, Fantin-Latour, ne méritent pas une moindre estime. On ne saurait imaginer plus de façons différentes de comprendre et d’exprimer la physionomie de ses contemporains, mais toutes assurément sont bonnes lorsqu’elles arrivent à produire des résultats tels que le Portrait de mes enfans par M. Paul Dubois, un chef-d’œuvre incomparable de simplicité savante, les vigoureuses et définitives effigies de Victor Hugo, de MM. Puvis de