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figures et le paysage qui devaient lui assurer une rapide et durable popularité. A l’heure actuelle, l’action de M. Jules Breton est aussi visible dans les sections étrangères que dans la section française.


IV

On voit par quelles suites d’actions et de réactions, de poussées alternatives dans le sens de la tradition ou de l’observation, de luttes entre les principes qui se partageront éternellement l’esprit des artistes, le principe imaginatif et le principe descriptif, l’école contemporaine de peinture est entrée en possession d’une liberté sans limites et sans contrôle qui donne à sa production incessante une variété surprenante. Les événemens de 1870-1871, en reportant, d’une part, beaucoup d’artistes vers des pensées plus viriles et plus graves, en constituant, d’autre part, une société résolument démocratique, ne pouvaient qu’activer la double tendance déjà marquée de la peinture à prendre un rôle plus important dans la vie publique et à raconter avec plus de sympathie les joies et les douleurs du peuple. Déjà en 1878, on a pu remarquer combien les nouveaux-venus inclinaient soit du côté décoratif, soit du côté naturaliste, tantôt s’abandonnant à une liberté extrême de brosse, tantôt 8’emprisonnant dans d’étroites études. On pouvait déjà alors constater aussi combien, en revanche, devenaient de plus en plus rares les ouvrages, à la fois sentis et composés, où l’imagination ne marche qu’en s’appuyant sur la science, où la science ne se montre qu’exaltée par l’imagination, des tableaux dans le genre de ceux qui fixent longtemps l’attention dans les galeries de l’exposition rétrospective.

La situation, depuis dix ans, ne s’est pas sensiblement modifiée. Lorsqu’on visite les galeries contemporaines où l’on n’aperçoit guère d’ailleurs que des peintures ayant déjà paru au Salon, on remarque d’abord plusieurs faits : en premier lieu, la grande dimension des figures et la pâleur fondante du coloris, ce qui donne à la plupart des toiles l’apparence de peintures murales plus que de tableaux ; en second lieu, la prédominance des études de mœurs contemporaines sur les sujets historiques, allégoriques ou plastiques. D’une part, l’imagination des peintres est moins excitée, leurs aspirations sont moins lointaines et moins complexes que dans les diverses périodes que nous avons parcourues. Il n’y a plus rien chez ceux qui ressemble aux exaltations scolaires de l’école académique, ni aux élans passionnés de l’école romantique. D’autre part, si leur technique est plus variée, elle est aussi plus