côté des maîtres du passé, il n’en est pas moins vrai que ces hommes éminens ont exercé, soit par leurs qualités effectives, soit par leurs tendances et leurs indications, une influence considérable, non-seulement sur l’évolution française, mais sur l’évolution européenne. Leur part de gloire reste donc assez belle, et nous devions nous attendre à la voir détendue, au Champ de Mars, par quelques chefs-d’œuvre choisis.
Horace Vernet (1789-1863), à vrai dire, est le seul des trois qui s’y montre avec avantage. Le Siège de Constantine, du Salon de 1837, reste toujours une œuvre vivante, naturelle, aisée, pleine de cet entrain joyeux que nos troupiers mettent à escalader une brèche et que Vernet apportait à brosser ses toiles. D’Ary Scheffer (1795-1858), nous n’avons qu’un petit portrait, vif et fin, celui de Lafayette en 1819 ; c’est trop peu pour nous expliquer l’action du noble poète de la Marguerite et du Saint Augustin sur les âmes élevées et tendres, trop peu même pour nous enseigner ce qu’il fut comme portraitiste, car c’est surtout dans l’analyse émue des physionomies souffrantes ou pensives qu’il se monte réellement supérieur. Quant au peintre de la Mort du duc de Guise et des Girondins, il ne nous apparaît qu’avec son Cromwell de 1831, que Gustave Planche regardait comme « la pire et la plus pauvre de ses œuvres. » Sans souscrire à ce jugement, qui nous semble dur et injuste, il faut bien reconnaître que l’exécution de cette scène mélodramatique est pénible, sèche et lourde, sans air, sans lumière, sans effet. Reste le soin apporté à l’étude du personnage, des costumes, des accessoires qui fut une des causes légitimes du succès de Paul Delaroche. Mais ce n’est point là qu’on peut comprendre son mérite exceptionnel, comme metteur en scène de tragédies historiques, dût-on seulement le juger sous ce rapport et dût-on oublier qu’il est l’auteur des peintures de l’Hémicycle de l’Ecole des Beaux-Arts, c’est-à-dire l’un des restaurateurs de la peinture monumentale dans notre pays.
On doit tenir compte, lorsqu’on parle d’Horace Vernet et de Paul Delaroche, de l’influence qu’ils exercèrent, par leurs compositions claires et animées, non seulement sur les peintres, mais surtout sur les dessinateurs d’illustrations, influence qui n’est pas épuisée. Sous ce rapport, ils furent non-seulement secondés, mais complétés et dépassés d’abord par Decamps (1803-1860), et ensuite par M. Meissonier. La supériorité de ces deux maîtres, c’est d’avoir, dès le premier jour, compris que la valeur de l’œuvre résidait moins encore dans le bon choix et l’intelligence du sujet que dans la précision, la fermeté, l’exactitude de l’exécution. Au milieu du désordre romantique, Decamps, extraordinairement préoccupé de la technique,