Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 95.djvu/480

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

litaires de la frontière. C’est toujours la même chose. La triple alliance s’affirme comme elle peut, même quelquefois par des minuties assez puériles ; la Russie reste dans son indépendance et dans sa force. C’est là précisément ce qu’il y a de grave pour l’Europe !

On n’est point pressé sans doute de voir se dégager les conséquences d’une situation aussi critique et par momens aussi tendue. Le danger est peut-être toujours en Orient, dans cet Orient où les questions pullulent, où la paix dépend de l’exécution des traités, qui elle-même dépend de l’entente entre des puissances si difficiles à mettre d’accord. C’est là malheureusement un des points faibles à l’heure où nous sommes. Récemment encore naissaient du côté de la Serbie on ne sait quels nuages presque sombres ; on parlait d’armemens serbes auxquels répondraient déjà des armemens bulgares. Il a fallu, pour dissiper cette apparence d’orage, quelques explications qui, à la vérité, ne sont pas bien claires elles-mêmes. Comme si ce n’était pas assez des agitations incessantes des Balkans, l’insurrection de l’île de Crète est survenue, prenant un instant quelque gravité par les répressions inévitables qu’elle a soulevées et par les velléités d’intervention de la Grèce. Puis enfin, comme si ce n’était pas assez de l’affaire de Crète, une certaine agitation a gagné l’Arménie où les vexations exercées par les Turcs ont provoqué des résistances, des soulèvemens parmi les populations, — et ici le péril, quoique lointain, est d’autant plus grave que la Russie, qui touche par ses possessions à l’Arménie, pourrait être tentée d’intervenir. Toutes ces questions réunies, toujours prêtes à s’enflammer, forment ce qu’on appelle la question d’Orient, et cette question d’Orient, toujours prête à renaître sous une forme ou sous l’autre, c’est l’éternel trouble-fête de l’Occident. La diplomatie, jusqu’à ce jour, a mis tous ses soins à circonscrire ces questions, à limiter les incidens, à empêcher en un mot les étincelles de devenir des incendies. Elle semble avoir réussi pour le moment à atténuer la gravité de l’incident crétois par son influence modératrice sur la Turquie et sur la Grèce. Elle paraît s’employer activement aujourd’hui à presser la Porte de pacifier spontanément l’Arménie. On remarquera que dans toutes ces affaires, dans tout ce qui se passe au sud du Danube, comme en Arménie, c’est toujours le traité de Berlin qui est on jeu, que la Russie est fondée après tout à en réclamer l’exécution. La difficulté pour les journaux allemands sera du moins de prouver cette fois que c’est la France qui trouble ou menace la paix si bien gardée par la triple alliance !

Voilà une session de plus qui vient de finir pour la première des nations parlementaires, pour l’Angleterre. Elle a été plus longue que fructueuse, et elle vient de se terminer enfin, à cette extrémité de la saison d’été, sans encombre pour le ministère conservateur qui est au pouvoir depuis quelques années. Elle a été close, il y a peu de jours, par