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n’ait plus qu’à choisir entre les manifestes de guerre et de révolution, entre des dangers également redoutables ? Les partis, heureusement, ne font pas toujours tout ce qu’ils veulent, et tandis qu’ils s’agitent, tandis qu’ils s’épuisent dans leurs duels implacables, il y a le pays lui-même, le pays incertain et troublé sans doute, assiégé d’influences contraires, silencieux encore, désabusé des jactances et des vaincs promesses. Au fond, s’il est toujours difficile de dire ce que sera le vote, quelle sera la proportion des partis dans l’assemblée prochaine il ne serait peut-être point impossible de saisir les signes d’une situation assez nouvelle qui pourrait déconcerter les calculs des promoteurs des politiques extrêmes. Quel que soit le résultat matériel du scrutin qui va faire explosion dimanche, on pourrait démêler déjà que si la chambre nouvelle a malheureusement quelques chances de ressembler à l’ancienne par l’incohérence, elle en différera et par ceux qui la composeront et par les idées que ces derniers élus porteront au Palais-Bourbon. A travers le fracas des manifestes et des compétitions, en effet, il y a des indices qui peuvent avoir leur signification. Il y aura d’abord une masse de députés nouveaux, cela est certain. Il y a dans le pays, on le sent, un travail, un état d’esprit, si l’on veut, auquel les candidats se préoccupent nécessairement de répondre dans leurs programmes, — et que disent la plupart de ces programmes ? Ils ne parlent pas de révolutions ni de réformes radicales ; ils parlent de l’ordre et de la paix, de l’économie dans les finances, de la liberté religieuse, des intérêts de l’agriculture ; ils parlent surtout de la nécessité de substituer enfin la politique pratique et bienfaisante des affaires aux tumultes de parlement et aux luttes stériles. Ce sont là les élémens d’une situation nouvelle où, entre des partis extrêmes acharnés à se détruire, à se servir du pays contre le pays, pourrait s’élever un parti nouveau, le parti de la paix politique et morale, de la stabilité dans les institutions, des réformes utiles. Et si c’est un rêve sur lequel doit souiller encore une fois le scrutin du 22 septembre, c’est du moins le rêve de ceux qui mettent au-dessus de tout la sécurité et l’honneur de notre nation.

La France, depuis longtemps, depuis qu’elle n’a plus eu le vent favorable, n’a point été certes gâtée par l’excès des flatteries. Elle n’en est peut-être que plus sensible aux paroles de sympathie, surtout quand ce sont des paroles comme celles que M. Gladstone a prononcées dans une réunion dont il a été récemment le héros à Paris. M. Gladstone, qui a déjà vu tant d’expositions et de révolutions, a voulu, lui aussi, Voir la nouvelle exposition française. Il a été notre hôte pendant quelques jours. Il était entouré de Français dans le banquet qu’il a accepté, où l’on a voulu fêter en lui le premier représentant de l’Angleterre libérale, et M. Gladstone est trop poli pour répondre à un accueil aussi cordial que respectueux par des discours moroses ; mais c’est aussi un