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exigée pour l’admission d’un concurrent au nombre des « logistes, » — c’est-à-dire des dix jeunes peintres, sculpteurs ou architectes, autorisés à travailler isolément en loges pour se disputer le grand prix, — était qu’il eût dans les épreuves d’essai montré plus de talent que les autres : après quoi, l’Académie, qui seule avait été juge de la valeur relative des œuvres produites lors de ces concours préliminaires, était, seule aussi, appelée à se prononcer sur les résultats du concours définitif. Bien qu’il s’exerçât dans les murs mêmes de l’École, le pouvoir dont elle se trouvait ainsi investie n’en demeurait pas moins complètement indépendant et personnel. L’Académie ne faisait, — et elle ne fait encore à notre époque, — que déléguer à l’administration de l’École des Beaux-Arts le soin de surveiller l’exécution des règlemens dans les concours pour les grands prix de peinture, de sculpture, etc.[1], » mais au même titre et dans la même mesure qu’elle délègue aujourd’hui au Conservatoire de musique la discipline des concours pour le grand prix de composition musicale. En un mot, tout en installant hors de chez elle les aspirans à certains prix qu’elle avait la mission de décerner, tout en tenant à l’École des Beaux-Arts les séances consacrées au jugement des concours ouverts en vue de ces prix, l’Académie pour cela n’abdiquait rien de ses privilèges ; de même que, à l’exception de cette hospitalité momentanée, l’École, de son côté, n’était tenue envers l’Académie à aucune redevance, ni dans son fonctionnement intérieur, à aucun acte de subordination. C’est là ce que l’ordonnance royale de 1819 avait pour objet de bien établir ; c’est ce qu’il importe de faire remarquer ici, contrairement au préjugé assez général qui attribue à l’Académie et à l’École des Beaux-Arts une connexité légale et une action commune.

En réorganisant ainsi l’école des Beaux-Arts, comme il avait peu auparavant réorganisé la quatrième classe de l’Institut elle-même, le gouvernement de Louis XVIII introduisait dans le régime auquel toutes deux jusqu’alors avaient été soumises des innovations très notables sans doute, mais dont la première pensée, en réalité, ne lui appartenait pas. Les unes, il est vrai, étaient restées sous l’empire à peu près à l’état de projets, les autres avaient été tentées au dernier moment ; mais l’entreprise ne s’en trouvait pas moins commencée : elle ne devenait l’œuvre du gouvernement royal que par la consécration qu’elle recevait de celui-ci, à quelques différences près dans les formes. Au fond, sous son nouveau titre « d’Académie, » la quatrième classe de l’Institut gardait la

  1. Règlement de l’Académie des Beaux-Arts, chap. II, art. 24.