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LA CAVALERIE
DANS
LA GUERRE MODERNE

Nous assistans à une évolution singulière. A un demi-siècle d’intervalle, et lorsque l’art de la guerre semble le plus près de se confiner dans l’accroissement des forces purement balistiques, on voit tout à coup réapparaître un engin des batailles passées, une arme quasi démodée, procédant de deux facteurs qu’on croyait disparus : l’effet moral et le choc. En Allemagne, l’usage de la lance s’étend à toute la cavalerie ; en France, on la donne aux dragons. En même temps, dans les deux pays, les manœuvres de masses de cavalerie sont exécutées avec une ardeur et une extension inaccoutumées.

Cette double manifestation n’est-elle que la révolte suprême d’une arme restée généreuse, mais virtuellement amoindrie ; l’instinctif désir d’échapper à l’étreinte de fer et de plomb qui chaque jour plus étroitement nous enserre ? Procède-t-elle, au contraire, d’une rationnelle entente de principes nouveaux ; de la perception nette d’un rôle, non pas diminué, mais agrandi ?

Entre les deux opinions, le doute existe. Il ne s’arrête pas aux couches extérieures ; il pénètre jusqu’au cœur même de l’armée. La réapparition de la lance et l’emploi de la cavalerie en masses y sont passionnément discutés. Les uns les saluent comme l’aurore d’une ère féconde, les autres les condamnent comme la manifestation d’un regret stérile. Partisans ou adversaires, d’ailleurs, ne