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chef ne se montre peut-être si impatient que par des raisons tout intérieures, parce qu’il ne veut pas laisser une arme aux mains de l’opposition.

Les sessions parlementaires qui se prolongent trop ne sont pas sans danger pour les gouvernemens et le ministère anglais, pour sa part, a sans doute hâte de voir partir pour quelques mois un parlement déjà à demi dépeuplé par les chasses d’Ecosse ou par l’Exposition française. Ce n’est pas que le cabinet de Londres ait eu des difficultés sérieuses à l’occasion de sa politique extérieure qui a été depuis quelque temps l’objet d’une série d’interpellations dans la chambre des communes comme dans la chambre des lords. Il s’est toujours tiré d’affaire par des explications évasives, par des généralités. Sir J. Fergusson est un sous-secrétaire d’état qui a l’art de ne rien compromettre. Lord Salisbury lui-même n’a eu aucune peine, dans la chambre haute, à satisfaire des pairs qui ne demandaient qu’à être satisfaits, ou à se défendre, en dehors du parlement, contre les sorties impétueuses de lord Randolph Churchill ; c’est moins dans les affaires extérieures que dans les affaires intérieures que le ministère de lord Salisbury est toujours exposé à se sentir menacé, à voir se dissoudre ou s’affaiblir l’alliance des conservateurs et des libéraux dissidens qui l’a soutenu jusqu’ici. Il vient de l’éprouver ces jours derniers, à l’improviste, à propos d’une question qui touche à un des points les plus délicats de l’organisation britannique, à la dîme que les populations sont encore obligées de payer au clergé officiel, à l’église anglicane. Il a failli sombrer brusquement, il n’a été sauvé que par un subterfuge du speaker de la chambre des communes. Préoccupé de la situation de certaines régions, notamment du pays de Galles, où il y a depuis quelques années une assez vive agitation religieuse, où les paysans refusent ouvertement de payer la dîme au clergé officiel, le ministère a imaginé récemment de proposer un bill pour contraindre, même par voie d’exécution judiciaire, les populations au paiement de la dime ecclésiastique. Il n’a pas tardé à s’apercevoir que non-seulement il ne vaincrait pas la résistance des paysans gallois, qu’il risquait de créer une autre petite Irlande, mais qu’il allait être abandonné par une partie des libéraux, dont l’appui lui est nécessaire pour vivre. Il a cherché alors une autre combinaison. Il a modifié son billet a prétendu faire peser sur les propriétaires la responsabilité du paiement de la dime ; mais ici, autre difficulté. Il a vivement indisposé les conservateurs sans désarmer les libéraux ses alliés. Il était menacé d’un échec inévitable, et c’est là que le speaker est venu à son aide, en déclarant que le projet modifié était un projet nouveau qui ne pouvait entrer en discussion à la veille de la fin de la session. C’était une manière de déguiser la retraite du gouvernement. Le ministère a été