toujours, avec un autre philosophe, l’illustre auteur de la Critique de la Raison pure, que l’existence de la loi morale est « la condition nécessaire de la seule valeur que l’homme se puisse donner à lui-même ; » et que, conséquemment, de quelques prétendues vérités qu’une métaphysique s’autorise, elle est fausse, dès qu’elle nie ou qu’elle met on question l’existence de la loi morale, du devoir, et de la liberté. Rien de plus simple, je le répète, et, — si mal que je me sois peut-être expliqué, — rien de plus banal, encore une fois, ni de plus facile à comprendre.
Cependant ces vieilles idées n’ont pas seulement semblé neuves à quelques dilettantes et à quelques « savans, » elles leur ont paru fâcheuses. M. Anatole France, dans le Temps, m’a reproché, si je me souviens bien, que je réclamais, sans m’en douter, un 24 août et une Saint-Barthélémy de « penseurs. » Il s’est considéré lui-même ; et, se sentant à l’examen aussi libre de préjugés, aussi généreux, aussi hardi que je suis timoré, fanatique et intolérant ; il ne l’a pas dit, — ce n’est pas sa manière, — mais il l’a fait ingénieusement entendre. A son tour, un anonyme, que je dois croire encore plus autorisé, puisqu’il écrit dans la Revue scientifique, s’est plaint éloquemment que je le voulais « museler, » disait-il ; et ramener la science et la philosophie à la Rhétorique d’Aristote et à la Somme de saint Thomas. Que vient faire ici la Rhétorique d’Aristote ? et celui qui parle ainsi de la Somme de saint Thomas, l’a-t-il seulement lue ?
Je ne saurais répondre à de pareils argumens. Ils sont peut-être de « bonne guerre, » je veux dire plaisans, bons pour égayer la galerie ; ils n’ont rien de très « littéraire, » ni de bien « scientifique ; » et tout le monde voit assez qu’ils ne font rien à la question. Mais ce que je ne puis m’empêcher de faire observer à mes contradicteurs, c’est que, pour me refuser le droit de tirer de leurs doctrines des conséquences qui les condamnent, ils commencent, eux, par m’accabler sous le poids des conséquences qu’ils se donnent le droit de tirer de mes opinions. « Vous n’avez pas le droit, me disent-ils, de rendre Adrien Sixte responsable du crime de Robert Greslou, son disciple ; et la preuve, c’est que si vous l’en rendiez responsable, vous nous ramèneriez au temps de l’inquisition. » Est-ce que cela ne voudrait pas dire : la vérité que l’on enseigne dans les colonnes du Temps ou de la Revue scientifique, les conséquences n’en importent pas ; elle leur est antérieure, extérieure et supérieure ; mais les opinions qu’on professe à la Revue des Deux Mondes, rien n’est plus inutile que de les examiner en elles-mêmes, et leurs conséquences nous suffisent pour les juger ? Cependant, si, comme le remarque l’anonyme de la Revue scientifique, « Adrien Sixte n’a recommandé nulle part de séduire une jeune fille, » moi non plus, nulle part, je n’ai demandé qu’on jetât les anthropologistes ou les métaphysiciens dans un cul de basse-fosse. Si j’ai donc