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fructidor avait lieu et Morris écrivait à un de ses correspondans : « Je ne vous parle pas de la dernière révolution parisienne, puisqu’il leur en faudra encore, et encore, jusqu’à ce qu’ils retombent sous le gouvernement d’un seul. »

Lafayette avait été délivré sur les instances du gouvernement américain et le prisonnier d’Olmütz avait été dirigé sur Hambourg, où il fut livré par le ministre d’Autriche, le baron de Buol, au ministre des États-Unis, M. Parish ; Lafayette donna à Morris, qui n’avait pas cessé de travailler à sa délivrance, l’assurance qu’il ne voulait plus s’occuper des affaires de la France et resterait en dehors de toute intrigue. Il manifesta l’intention de se rendre en Amérique. Morris l’encouragea dans cette résolution, lui dit que ni les directeurs ni les constitutionnels ne désiraient sa présence en France, et que l’Amérique lui ouvrirait les bras. Il lui conseilla de ne point trop parler de ses malheurs et de dire à ceux qui lui en demanderaient l’histoire que lorsque tant de nations souffraient, les misères passées d’un individu ne devaient point trouver de place dans l’attention publique. Lafayette ne partit point pour l’Amérique en 1797, et nous le retrouvons encore à Altona un an après : « M. de Lafayette m’a fait visite (le 24 juin 1798) et m’a demandé s’il devait partir immédiatement pour l’Amérique ou rester encore un peu de temps. Je lui dis qu’il avait pris son parti de rester ; il avoua en rougissant. Je lui dis ensuite qu’il eût bien fait de partir immédiatement, mais qu’ayant attendu si longtemps, il n’importait guère qu’il restât un peu plus… Tout en déclarant qu’il est résolu à mener une vie privée, il soupire pour une occasion de remonter sur le théâtre. »

La paix dictée par Bonaparte laissait les Pays-Bas autrichiens à la république française ; la Lombardie, avec quelques districts voisins, devenait une dépendance de la France. L’Autriche recevait une compensation dans le don de la Vénétie, qui perdait sa vieille indépendance. Nommé plénipotentiaire au congrès de Rastadt, Bonaparte alla jouir de son triomphe à Paris : « J’entends dire, écrit, le 9 décembre 1797, Morris, alors à Ratisbonne, que Barras va monter sur le trône de France à l’aide de son ami Bonaparte. » Le 18 fructidor autorisait toutes les conjectures, mais ce n’est pas pour Barras que travaillait Bonaparte.

On est étonné de voir venir assez rarement ce nom de Bonaparte dans la correspondance de Morris. Il n’apparaît qu’en 1796 ; Bonaparte a fait une proclamation aux habitans du Tyrol : « J’observe, dit Morris, qu’il a imité la manière de la fameuse proclamation du duc de Brunswick. Ceux qui ont trouvé la dernière horrible admirent la première pour son énergie. » Il suit de loin la campagne