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une ambassade priant Catherine de s’interposer entre Florence et Grégoire XI.


IV

C’était bien l’amie de Dieu, la nonne thaumaturge que la vieille cité guelfe appelait à elle afin qu’elle négociât la paix. « On savait, écrit le chroniqueur Scipion Ammirato, que, nourrie seulement par l’hostie de la communion, elle avait vécu miraculeusement un grand nombre de jours. Après la longue retraite de sa jeunesse, loin des affaires du monde, elle avait passé de la contemplation à l’action, par l’effet de la volonté divine. Étrangère aux lettres latines et n’ayant même point appris à lire par les moyens naturels, elle interprétait profondément les passages obscurs de la sainte écriture, grâce à une révélation surnaturelle. Aussi rappelait-on souvent pour réconcilier les adversaires, délivrer les démoniaques, consoler les affligés. » Catherine entrait à Florence en mai 1376. Niccolo Soderini l’accueillit dans sa maison et lui présenta la seigneurie. Elle commença sur-le-champ son entreprise diplomatique. Elle expédia à Avignon Fra Raimondo, muni d’un message dans lequel elle n’épargnait point au pape d’assez vives vérités. Si Dieu, disait-elle, a enlevé à son épouse ses provinces et sa joie, c’est qu’il a voulu témoigner de sa volonté « de voir l’église revenir à son état premier, pauvre, humble et doux, l’état des siècles saints, alors qu’elle pensait seulement à l’honneur de Dieu et au salut des âmes, aux choses spirituelles et non aux temporelles, qui l’ont fait aller de mal en pis. » Elle ajoutait, d’un ton d’autorité singulière : « Répondez au Saint-Esprit qui vous appelle. Je vous le dis : Venez, venez, venez et n’attendez pas le temps, car le temps ne vous attend point… Ne faites plus attendre les serviteurs de Dieu, qui s’affligent et vous désirent, et moi, misérable, qui n’ai plus la force d’attendre davantage. » Quelques jours plus tard, elle annonce à Grégoire sa venue prochaine : elle veut elle-même porter Florence aux pieds du pontife. « Je crois que la bonté divine a touché ces grands loups et les change en agneaux. Vous, leur père, vous les recevrez, j’en suis certaine, malgré leurs injures, car vous vous souviendrez de la parole de Dieu et du bon Pasteur, qui, trouvant sa brebis égarée, la prend sur son épaule et la ramène au bercail. » Mais le pape, toujours inflexible, envoyait en Italie une armée nouvelle de Bretons commandée par le cardinal Robert de Genève. Les bandes de l’Aguto mettaient Faenza à feu et à sang. Imola, Camerino, Macerata, rejetaient à leur tour le joug pontifical et se donnaient des tyrans. Florence, qui ne désarmait point, enlevait Rodolfo da Varano au service du pape pour en faire le